Les Techniques documentaires
(2011) - Archivistes, bibliothécaires... et veilleurs
Extraits de l'article de Guillaume Nuttin "Archivistes, bibliothécaires... et veilleurs" publié dans Archimag, n° 249, novembre 2011.
Ce n'est pas leur coeur de métier, et pourtant ils veillent. Archivistes et bibliothécaires - s'ils utilisent grosso modo les mêmes outils, et se rejoignent autour de leur intérêt pour les pratiques numériques - aménagent leur veille différemment. Témoignages croisés sur des périmètres, des reflexions et des relations avec leur fonction qui divergent.
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Bibliothécaires et veilleurs
« Avoir un objectif précis de ce vers quoi on tend et mettre tout en oeuvre pour y parvenir » pour un Jean-Philippe Accart qu'il n'est plus guère la peine de présenter, « définir un certain nombre de champs d'intérêt et se donner les moyens de les suivre assidument, quelquechose de global et de transverse » pour Antoine Verney, bibliothécaire chargé du développement des outils numériques à la médiathèque de Saint-Nazaire. Est-ce parce qu'elle est ancrée plus fortement et depuis plus longtemps dans leurs pratiques que les bibliothécaires définissent aisément le terme de veille-métier ?
Toujours est-il qu'elle semble davantage répandue au sein des bibliothèques et médiathèques que dans les centres d'archive, « la veille devrait intégrer la fiche de poste et les missions du bibliothécaire » pour Jean-Philippe Accart.
Evangéliser la veille
Thomas Chaimbault, responsable de la formation des bibliothécaires d'Etat à l'Enssib, évoquant les séances de formation continue au cours desquelles il aborde systématiquement la question du « pourquoi veille t-on ? » souligne « qu'il s'agit encore d'une question d'évangélisation auprès des bibliothécaires, même si beaucoup à la manière de M.Jourdain, veillent sans le savoir, ou plutôt sans l'avoir formalisé. Finalement, tout le monde veille à son niveau, ce qui soulève l'écueil d'une massification de la veille, facteur d'infobésité. » (...)
Veiller n'appartient pas à la fiche de poste, mais à la fonction
Assez large pour Jean-Philippe Accart - « Les avancées technologiques et voir comment le monde des bibliothèques évolue par rapport à ces avancées. Une veille centrée sur les usages numériques, et leur rôle en terme de gestion de l'infiormation », le périmètre est très évolutif pour Thomas Chaimbault : « Il s'élargit au fur et à mesure du temps, du travail, des fonctions, des centres d'intérêt. Par exemple, il y a quelques années, je ne veillai ni sur les réseaux sociaux, ni sur le livre numérique. (...)
Ne pas se contenter d'internet
Jean-Philippe Accart témoigne d'une boîte à outils beaucoup plus large, sortant la veille d'un périmètre exclusivement web : « les réseaux sociaux depuis leur avénement, et je lis toujours beaucoup la presse, sans doute ma première source de veille, très qualifiée. J'ai également un réseau humain, pas mal de personnes que j'ai l'occasion de croiser et avec qui je ne perds pas une occasion d'échanger. Enfin, et bien-sûr, mes sites web préférés. Mais il est important de diversifier ses sources et de ne pas se contenter d'internet, il y a aussi la radio, la télévision... »
Une veille collaborative s'impose t-elle pour les bibliothécaires, à l'instar des archivistes ? Pour Antoine Verney, la réponse est oui, le collectif du bouillon des bibliobsédé* étant le pendant des Archiveilleurs [voir archiviste et veilleur], « et se répartir les problématiques du métier, un passage obligé ». Jean-Philippe Accart ne conteste pas cette vision, mais la tempère, soulevant le risque de ''pensée unique'' que peut endosser cette veille : « elle se justifie par la complémentarité des expertises mais attention à ce que ça ne s'approche pas du monopole, reposant ainsi sur quelques personnes ». Analyse partagée par Thomas Chaimbault : « Une veille collective permet de faire remonter de grands thèmes majeurs, mais aussi présente le risque de passer à côté d'un petit billet qui peut être déterminant ».
*www.bibliobsession.net/bouillon
Et Twitter ? Que pensent archivistes et bibliothécaires des gazouillis ?
Outil de veille à part entière, à la fois synchrone et asynchrone, Twitter requiert une acculturation. Et Antoine Verney de détailler :« il faut se faire à l'outil. Il donne parfois envie de rattraper le temps, mais il ne faut pas avoir peur de rater une information. ». Pour Jean-Philippe Accart, Twitter « illustre cette nouvelle façon de veiller, en étant à la fois émetteur et récepteur. Il présente tout de même des défauts : Outre qu'il prend du temps, on peut lui reprocher l'aspect sybillin de certains posts, ainsi que son utilisation marketing. » S'il ne juge pas la dimension ''temps réel'' cruciale, l'archiviste Jordi Navarro souligne également l'aspect social et interactif de Twitter comme son principal atout : « L'immédiateté apporte une spontanéité au veilleur et une possibilité d'interactions entre veilleurs qui me semble totalement indispensable. Twitter n'est pas qu'un "déversoir d'informations", c'est également un lieu d'échanges entre gens qui partagent certains centres d'intérêt. C'est ce qui fait toute sa force. » Alexandre Garcia confirme cette analyse : « Ce que j'apprécie dans Twitter, c'est le côté interactif de la veille: retweets, réponses et relances. On peut aussi le considérer comme un outil de veille pull, quand je pose une question à mes followers .» (...) « C'est souvent via Twitter que je repère de nouvelles sources (signalement d'un nouveau blog, par exemple). C'est aussi une caisse de résonance qui met l'accent sur ce qui fait l'actualité. »
cop. Jean-Philippe Accart, octobre-novembre 2012
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