Analyses d'ouvrages

1999: Documentation et philosophie

sous la dir. de Jean-Pierre Cotten ; éd. établie par Marie-Madeleine Varet-Pietri
Besançon : Centre de documentation et bibliographie philosophiques GDR 1197, 1998. 146 p.
(Annales littéraires de l'université de Franche-Comté, n° 650, série Philex, vol. 3)
ISBN 2 251 60 650 5

De prime abord, le titre de cet ouvrage "Documentation et philosophie" est déroutant mais cependant attirant. Il s'agit en réalité de la publication de trois contributions, prolongement des journées d'études du Centre de documentation et bibliographie philosophiques de l'université de Franche-Comté qui se sont tenues en 1994 sous l'intitulé "Outils documentaires pour philosophes : thesaurus, indexation, abstracts". L'intitulé apparaît alors plus explicite puisque les techniques documentaires sont vues et discutées sous l'angle de l'application à un domaine particulier, la philosophie. Les trois auteurs sont membres du Centre de documentation précité.

La première contribution de Jean-Pierre Cotten est intitulée "A propos des divisions communes de forme dans quelques langages documentaires et en particulier R.A.M.E.A.U." D'emblée, il est spécifié qu'un langage documentaire quelqu'il soit - et qui est la représentation en termes particuliers et organisés d'une pensée ou d'un domaine - doit comprendre la logique informatique de l'algorithme. Les deux vont de pair et leur association contribue à les faire évoluer. L'auteur articule son argumentaire autour des langages "orientés objet" et des bases de données "à objets". Il aborde trois concepts-clés : les notions d'héritage (une classe "hérite" des attributs de la classe précédente - passage de la classe-mère à la classe-fille), le polymorphisme (réutilisation des attributs et des méthodes de la classe-mère à la classe-fille), l'héritage multiple (une classe-fille hérite de plusieurs classes-mères). La notion d'"objet complexe" est développée en ce qu'elle permet de structurer un champ en plusieurs niveaux correspondant justement à la complexité dudit objet. Le corpus R.A.M.E.A.U. (Répertoire d'Autorité-Matière Encyclopédique et Alphabétique Unifié) est pris comme support de la démonstration par rapport aux divisions communes de forme : certaines subdivisions entretenant des relations avec un document philosophique servent d'exemples (Adaptations - Adaptations cinématographiques ; Archives - Archives Catalogues, etc).
La deuxième contribution de Benoît Hufschmitt "Indexer un corpus philosophique par mots-clés" part du constat que les thésaurus et les listes de descripteurs actuels (Opale, Unesco, Francis-philosophie, Philosopher's Index, Louvain) ne sont pas satisfaisants en ce qui concerne l'efficacité des modes de recherche associés. C'est, d'une certaine manière, une remise en question du travail documentaire et une interrogation par rapport aux résultats attendus des recherches en informatique et en intelligence artificielle. La recherche plein texte apparaît parfois plus probante qu'une recherche par descripteurs. Selon l'auteur, il faut en appeler à la fois aux documentalistes (qui réalisent un travail dit intermédiaire), aux informaticiens et aux philosophes qui ont des approches complémentaires afin de résoudre le problème. L'auteur ne cache pas cependant ce qu'il appelle son "amateurisme documentaire".

Qu'en est-il de l'actualité des thésaurus en philosophie ? Faut-il prévoir la fin prochaine de l'indexation manuelle au profit de l'indexation automatique ? De nombreuses pages (pp. 41-51) sont consacrées à l'indexation automatique : automatisation de l'indexation, des requêtes, relations entre les descripteurs, recherche plein texte, indexation exhaustive du texte source, sélection automatique des descripteurs sont autant sont autant de points qui servent à la démonstration. L'indexation automatique présente quelques limites : disponibilité des textes les plus récents masquant l'absence de ceux plus anciens ; différences de reconnaissance entre des termes tirés d'un lexique et les concepts contenus dans ces termes ; analyse automatique du vocabulaire ne permettant pas l'organisation des concepts. L'auteur distingue alors vocabulaire documentaire dit "général" et "vocabulaire doctrinal".

Une des solutions proposées est l'utilisation des thesaurus à facettes (cf l'ouvrage de B.C. Vickery sur le sujet) qui grâce à leur arborescence permettent des variations dans la recherche. Suivent alors un certain de préconisations visant à réaliser un corpus général en philosophie (pp. 64-99) respectant les doctrines et les disciplines, proposant des approches diverses pour la recherche avec des illustrations d'indexation.

La troisième contribution de Marie-Madeleine Varet-Pietri s'intitule "L'information textuelle. Son traitement à la lumière de la théorie cognitive". Tout en reprenant et en développant quelques idées émises par ses confrères, notamment sur les rapports entre l'écrit et l'algorithmique, l'auteur fonde son exposé sur le texte lui-même et la difficulté toujours existante en informatique de traduire le contenu des termes en concepts. Un texte délivre en premier lieu des informations qualifiées de "perceptuelles" ou "référentielles" en transposant une expérience. Elles vont s'intégrer dans un ensemble de connaissances déjà acquises et vont servir à structurer des actions en vue de résoudre des problèmes posés. Des hypothèses sont alors émises, la référence à des modèles, à des croyances permettent à la mémoire d'être pleinement efficace. Le texte contient à la fois des informations sur l'environnement, mais également des informations dites "d'identité" sur celui qui produit cette information. Elles sont de type "didactique" permettant au lecteur d'approcher le texte (table des matières, sommaire, résumé, etc). Toute cette activité cognitive humaine qu'entraîne la lecture et la compréhension d'un texte semblent difficilement traduisible en terme informatique.
Peut-on dégager quelques perspectives ? La plus acceptable apparaît être celle des systèmes-experts capables de lire et de comprendre un texte.

De ces trois exposés, tout documentaliste retiendra la pertinence de l'analyse et la contribution à la réflexion sur une question délicate : comment élaborer les outils documentaires efficaces (en l'occurrence des thesaurus) et utiles à des domaines tel que celui de la philosophie ? Même si les réponses sont parfois nuancées, le rôle du documentaliste ressort comme étant essentiel (même s'il n'est pas suffisant) pour décrypter l'écrit.

Critique parue dans Documentaliste, sciences de l'information, 1999, vol. 36, n° 4-5, pp. 267-269.

Cop. JP Accart, 2007

 

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