Analyses d'ouvrages
2000. Le Documentaliste, manager de son équipe
par Bernard Chevalier
Paris : ADBS Editions, 2000. 241 p.
(Sciences de l'information ; série Etudes et techniques, ISSN 1160-2376)
Index, bibliogr., ill.-.- ISBN 2-84365-034-8
" Pourtant responsable d'un centre de documentation, je n'avais jamais été formé à l'art et à la manière d'animer une équipe. Je dirigeais simplement comme j'avais vu mes supérieurs le faire avant moi (...) " : ainsi s'exprime l'auteur de ce nouvel ouvrage que publie l'ADBS dans sa collection noire orientée méthodes et techniques documentaires. Cette réflexion est révélatrice de la situation actuelle dans de nombreux centres de documentation. Les responsables sont-ils formés à la gestion d'un centre de documentation ? Les techniques de management et d'animation d'équipe sont-elles différentes en documentation de celles d'un autre service dans une entreprise ou une institution ? Y-a-t-il une spécificité des centres de documentation en matière de management ? Ces questions sont posés depuis longtemps et la littérature professionnelle sur le sujet n'est guère abondante, hormis quelques articles publiés dans Documentaliste, sciences de l'information ou dans le Bulletin des bibliothèques de France et le Bulletin d'information de l'Association des bibliothécaires français. Pour combler ce manque, l'ADBS a édité plusieurs ouvrages parmi lesquels ceux d'Eric Sutter ou de F. Zanier. La littérature sur les théories du management est par ailleurs très riche avec notamment un de ses plus illustres représentants, Henry Mintzberg. L'ouvrage de Bernard Chevalier vient utilement compléter le paysage actuel de la littérature professionnelle.
Les centres de documentation existent depuis le début du mouvement documentaire en France, soit à partir de la révolution industrielle. Ce mouvement n'a cessé de s'amplifier ; la structuration du métier n'a cependant que quelques dizaines d'années. Les formations de documentalistes se sont adaptées aux évolutions du métier et intègrent des cours sur la gestion ou le management d'un service. Est-ce suffisant ? Il est vrai que, comme dans n'importe quel métier, être chef d'équipe ne s'improvise pas ; les diplômes ne donnent pas toutes les réponses à des questions qui relèvent souvent de la psychologie, de l'adaptabilité et du rapport aux autres. Un certain nombre de qualités doivent être réunies et l'expérience professionnelle est un atout considérable.
Le monde du travail a également subi des transformations importantes. Les équipes ne se gèrent plus en 2000 comme en 1960 : le niveau d'exigence professionnelle est tel qu'un responsable d'équipe voit son niveau de compétences s'élever de plus en plus.
Face à de telles composantes, l'ouvrage de Bernard Chevalier arrive à point nommé : à partir de sa propre expérience de responsable du centre de documentation de l'INSEE entre 1973 et 1990 et celle d'enseignant, il nous livre un ouvrage pratique divisé en deux parties, avec pour intitulés l'organisation du centre (I) et les actions du chef du centre de documentation (II).
Il n'est pas inutile de repréciser l'organisation d'un centre de documentation : son environnement (clients, fournisseurs, concurrents, milieu professionnel) mérite que l'on s'y attache et un tableau de bord est proposé. L'auteur traite ensuite de la " constitution " d'un service (missions, objectifs et activité), puis de la direction d'équipe (autorité, leadership). Le leadership est vu sous trois angles : le leader responsable, effectif et psychologique. La structure " publique " du centre comporte la structure organisationnelle (simple, hiérarchisée ou complexe) et la structure individuelle, c'est-à-dire les personnes qui composent l'équipe : cet aspect est essentiel car une description complète de poste peut être élaborée (titre, missions, place dans l'organigramme, historique du poste, travail effectué, relations entretenues, attributions, responsabilités). Cinq phases sont nécessaires pour la création de la structure qui peuvent se résumer par le schéma suivant :
Analyse des besoins de l'environnement --> Fixation des objectifs --> Actions et tâches à effectuer --> Organigramme du service --> Recrutement des collaborateurs
Comment mesurer la culture d'un centre ? B. Chevalier se réfère pour cela aux écrits d'Eric Berne qui décrit la culture technique (à la fois compétences humaines et moyens matériels), l'étiquette du groupe (comportement) et le caractère du groupe (manquements autorisés). Ce dernier aspect est intéressant car rarement évoqué dans la littérature professionnelle ; or il conditionne une grande part de la vie d'une équipe.
La structure privée d'un centre se rapporte à l'image mentale qu'a chaque membre de l'équipe de son propre rôle, de celle que le chef d'équipe a de lui et sur l'attente des autres. Ainsi le nouvel arrivant dans une équipe va s'intégrer progressivement dans celle-ci, répartissant son énergie entre l'activité et l'intégration. Plus cette dernière devient effective, plus l'activité est meilleure. L'auteur développe un certain nombre d'exemples d'intégration, puis détaille la structuration du temps d'une équipe.
Le travail du centre de documentation est analysé sous l'angle du " but qui réunit l'ensemble des collaborateurs (et qui) est la raison d'être de l'équipe ". Un certain nombre de pages est consacré au processus de groupe : cela permet de mieux comprendre les différentes interactions qui peuvent modifier ou menacer sa structure, avec à l'appui un certain nombre de schémas et de " jeux psychologiques ".
Qu'en est-il de l'action du chef d'équipe ? Elle est découpée dans le temps : le management de l'équipe elle-même, la gestion de projet, l'ajustement aux changements, la résolution de problèmes. Entretiens et réunions sont disséqués, ce qui met en évidence leur portée en termes de communication et de cohésion au sein de l'équipe. La délégation fait partie intégrante du management que celui-ci soit directif, persuasif, participatif, délégatif. Des méthodes (comme la méthode PERT) pour la gestion de projet sont exposées.
Le recrutement est une des tâches essentielles du responsable, tâche délicate entre toutes à laquelle il n'y a pas de formule idéale, mais des moyens que l'auteur propose.
La résolution de problèmes et la gestion des conflits internes sont également des questions délicates qu'il convient d'appréhender avec mesure et diplomatie. Des méthodes sont également indiquées tel le modèle de Laswell (méthode QQOQCCP). Des études de cas permettent d'envisager les différentes sortes de conflits possibles.
En conclusion, B. Chevalier consacre quelques pages à l'analyse transactionnelle, théorie de la personnalité et méthode d'analyse des relations sociales.
Le responsable d'équipe ne trouvera pas toutes les solutions à ses problèmes dans cet ouvrage, mais un certain nombre proposées et détaillées avec les mots issus de la propre expérience de l'auteur. Il faudrait cependant approfondir encore un tel ouvrage tant le sujet est vaste. Sa lecture laisse une impression qu'il reste des zones inexplorées. Une enquête auprès de responsables travaillant dans différents secteurs de la documentation complèterait utilement ce travail et une comparaison avec d'autres secteurs permettraient d'avoir une vision plus globale du documentaliste manager de son équipe.
Critique parue dans Documentaliste, sciences de l'information, 2000, vol. 37, n° 5-6, pp. 361-362.
Cop. JP Accart, 2007
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