Analyses d'ouvrages
2002: L'Essentiel de la gestion documentaire
par Michel Roberge
Québec : Gestar, 2002. 330 p.
couv. ill en coul.- Bibliogr., glossaire.- ISBN 2-921571-07-2 : 95 $ : 66, 82 €.
Si l'on veut donner un exemple de différence culturelle ou d'une autre conception de professions communes, le manuel de Michel Roberge est là pour le démontrer. Le titre de son ouvrage " L'essentiel de la gestion documentaire " pourrait donner à penser à des lecteurs français qu'il va traiter des techniques documentaires bien connues de tout professionnel. Or, il n'en rien, ou tout du moins, pas de la manière escomptée. Autant le dire d'emblée, il s'agit d'un livre plutôt destiné à des archivistes, exposant des techniques archivistiques peu usitées en documentation ou en bibliothèque, dans un domaine spécifique, le domaine administratif et dans un pays tel que le Canada. Cela est dû au parcours professionnel très riche de l'auteur, issu de ce domaine (notamment au Archives nationales du Québec ou au ministère des Communications québecois), puis consultant, concepteur de logiciels et rédacteur d'un nombre impressionnant de manuels et guides techniques. Son travail a été couronné par plusieurs prix décernés par l'Association des archivistes du Québec.
Ces différentes remarques émises, l'ouvrage de M. Roberge mérite que l'on s'y intéresse à plus d'un titre : très complet et d'une clarté enviable par rapport à un tel sujet, il développe tout au long de plus de 300 pages une méthodologie de gestion documentaire précise et détaillée qui s'appuie sur la démarche qualité. Divisé en quatre parties (les documents administratifs ; la fonction gestion documentaire ; la conception d'un système corporatif de gestion documentaire ; la mise en œuvre du système), chacune de celles-ci sont elles-mêmes subdivisées en " modules ".
La première partie définit le document administratif au sens large : il peut provenir de différents services au sein de l'administration concernée (ressources humaines, finances, système d'information, communication...). Il peut s'agir d'un document d'archives et peut prendre la forme texte, image, son ou multimédia. Sa valeur est aussi bien archivistique, qu'historique ou patrimoniale, mais elle est surtout financière et légale. Les supports du document sont passés en revue : quand il est analogique, il est sur papier ou sur microforme ; numérique, il bénéficie des supports magnétiques et optiques. Son coût peut est évalué en étudiant ce qui relève de sa conservation, de sa consultation, de sa gestion manuelle ; la surface nécessaire à son stockage, les questions de format ne sont pas oubliées.
La seconde partie traite de la fonction documentaire et plus particulièrement de ses origines : remontant aux premiers supports de conservation de l'information administrative (sur tablettes d'argile, de cire ou de bois, ou des peaux animales...), nous apprenons que l'administration de l'Empire romain se préoccupait de cette question, que c'est au pape Innocent III en l'an 1200 que nous devons la chemise de classement, et que l'apparition des registres dès le 15ème siècle permirent à l'administration de mieux consigner l'information. A l'heure actuelle, le Canada, et le Québec en particulier, comptent sur la formation technique des professionnels pour organiser ce domaine, s'appuyant également sur des associations professionnelles telles que l'ASTED (Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation), l'AAQ (Association des archivistes du Québec), l'ARMA (Association of Records Managers and Administrators)...Le contexte législatif québecois en matière de protection des renseignements personnels, d'archives, de preuve photographique, des technologies de l'information est exposé.
La gestion documentaire est vue comme un système : " information qui entre, information traitée, information qui sort " en hiérarchisant les différents systèmes, d'information, de gestion des documents, de classement, de description et de conservation. Un exemple de politique de gestion documentaire pour un organisme public québecois montre que cette " fonction est un soutien à la prise de décision et au fonctionnement quotidien d'une organisation ", que son objectif premier demeure l'efficacité et la rentabilité administrative. L'auteur introduit alors la notion de " système corporatif ", système unique de classement qui envisage aussi bien la conservation et l'élimination, la description et le repérage des documents, l'automatisation , la GED étant intégrées.
Le document administratif est ensuite décrit de sa création (rédaction directe, dictée, document-type, OCR, duplication, conception de formulaires, de courriers) à sa réception.
La troisième partie montre comment concevoir et développer un système corporatif de gestion documentaire. Comme nous l'avons vu précédemment, ce système repose sur un classement unique des documents avec une logique propre à partir d'une hiérarchie devant être validée. Une méthodologie est définie en analysant les fonctions et les activités administratives. Des codes de classement sont déterminés et un index alphabétique est élaboré. La rédaction de règles de conservation et d'élimination des documents est l'étape suivante, incluant un calendrier et permettant d'identifier les documents essentiels et confidentiels. Il faut ensuite décrire et repérer les documents en utilisant au mieux les modes de classements employés, que ceux-ci soient traditionnels (répertoires) ou informatiques (logiciel de gestion documentaire, de recherche, de GED).
La quatrième partie s'attache à la mise en œuvre du système : à partir de la stratégie définie, un manuel est rédigé et les responsables de la conservation des documents sont formés. Vient ensuite la phase de mise en œuvre dans les services administratifs, l'entretien et la mise à jour du système, et la phase de contrôle.
Comment classer les documents dits " actifs " c'est-à-dire nécessaires à la vie quotidienne de l'organisation ? : chaque service est alors invité à appliquer les règles de classement, à codifier les documents à partir de leur contenu, à les classer. La forme numérique est prise en compte, notamment par rapport aux différences de formats. La circulation des documents est alors rendue possible et suit un contrôle strict que celui-ci soit manuel ou informatisé. Les documents " semi-actifs ", c'est-à-dire ceux qui sont consultés occasionnellement, sont également pris en compte par le système corporatif, ainsi que les documents d'archives.
Un glossaire et une bibliographie conséquents viennent compléter l'ouvrage.
Il est évident que ce manuel dit de " gestion documentaire " n'intéressera pas l'ensemble des professionnels français, de par sa spécificité québecoise et de par une vision trop " archivistique ". Cependant, certaines parties peuvent être très utiles, notamment dans la rigueur de la méthode de classement exposée et dans la mise en place d'un système de gestion de documents. Le domaine administratif peut être vu comme un exemple transposable à tout type d'organisation qui se trouve confrontée à des problèmes similaires de gestion de l'information. L'auteur doit également être salué pour sa précision et sa clarté : il a su rendre son ouvrage très vivant et très facile à appréhender.
Critique parue dans Documentaliste, sciences de l'information, 2002, vol. 39, 3, pp. 141-142.
Cop. JP Accart, 2007
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