Analyses d'ouvrages

2003: La Société de la connaissance : nouvel enjeu pour les organisations

jpccouvpar Jean-Pierre Corniou
Paris : Hermès Science publications, 2002.

SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION, société de la connaissance, société du savoir : ces expressions omniprésentes dans le discours contemporain recouvrent sous une apparente uniformité des concepts ou des réalités des plus hétérogènes... Témoins ces deux ouvrages parus l’an dernier : sous le titre La société de la connaissance, le premier propose une analyse de l’évolution de l’outil informatique, sans véritablement se pencher sur les enjeux (annoncés dans le titre) de la connaissance pour les organisations ; le second étudie à plusieurs voix la question de l’accès de tous à l’information dans une Société du savoir : qu’est-ce qui caractérise son économie ? Quels nouveaux mécanismes de régulation y sont à l’œuvre ? Quelles en sont les perspectives politiques ?

Histoire et évolution de l’informatique et des réseaux

Le contexte actuel de l’information – avec les réseaux, Internet, les moteurs de recherche, les portails – peut nous faire oublier (ou tout du moins aux plus jeunes générations de documentalistes) que l’informatique est un produit de la seconde guerre mondiale qui a connu un développement important outre-Atlantique, puis en l’Europe. C’est notamment ce que rappelle, dans une introduction claire et didactique, l’auteur de La société de la connaissance, Jean-Pierre Corniou, économiste, directeur de systèmes d’information et actuellement “ chief information officer ” du groupe Renault. Voici donc un praticien qui livre le fruit de ses réflexions et de ses recherches personnelles sur la société de la connaissance. L’angle qu’il a choisi est celui de la connaissance au sein d’un grand groupe industriel ; il se démarque ainsi des écrits habituels sur le sujet provenant de chercheurs ou de consultants.

L’ouvrage a pour arrière-fond le monde de l’information, avec des rappels historiques intéressants dans les premiers chapitres (l’auteur nous convie à une invitation au “ e-voyage ”), pour en arriver très vite à l’ère numérique qui n’en est qu’à ses débuts : nous retrouvons la célèbre agence ARPANET, IBM, le MIT (Massachussets Institute of Technology), Apple, Bill Gates et Microsoft. Viennent ensuite le développement des logiciels, celui du courrier électronique, l’explosion d’Internet, les premiers pas du web. Ces rappels ne sont pas inutiles et permettent au lecteur de mieux comprendre le contexte actuel des réseaux de l’information.

L’ère numérique présente quelques “ ombres et lumières ” : outre la disparition (par rachat, fusion ou faillite) de sociétés informatiques et de logiciels, l’auteur note que l’intelligence artificielle n’a pas donné les résultats escomptés, que les progiciels de gestion intégrée (ERP, par exemple) sont coûteux et d’une maintenance délicate. Internet n’a pas donné que des bons résultats, et des problèmes complexes d’architecture, de performance et de sécurité sont apparus. En contrepartie, il est vrai que l’usage de cette technologie s’avère profitable sur un certain nombre de points : la rencontre entre l’utilisateur et des “ produits utiles ” ou l’émergence de nouvelles pratiques dans le travail en sont des exemples.

Un certain nombre de pages sont ensuite consacrées à l’économie sous différents angles, macroénomique ou microéconomique. La “ valeur ” de l’informatique n’est plus à démontrer et celle-ci tend à devenir un modèle dans les entreprises : autonomie, performance, marketing individualisé, vitesse en sont quelques caractéristiques. Les frontières de l’entreprise sont plus mouvantes, celles-ci devient plus étendue. Le “ client est roi ”, le “ salarié au centre ”. L’auteur insiste sur l’opacité du monde informatique aux yeux des dirigeants et sur la confusion existant entre système d’information et système informatique. Ces systèmes doivent permettre aux dirigeants d’être éclairés, de gouverner et de faire les bons choix.

Sont ensuite exposés les nouvelles formes d’emploi pour le directeur de système d’information : pédagogue, le DSI doit connaître aussi bien le langage de l’entreprise et de ses métiers que le langage de la technologie. Il est également leader et manager. Enfin, dans un dernier chapitre, l’auteur donne sa propre vision de l’évolution de l’informatique et des réseaux. Il constate la fragilité de la nouvelle économie, les babultiements de la démocratie électronique, l’accès inégal aux ressources d’Internet. Il conclut sur une nécessaire prise de conscience des politiques.

Cet ouvrage de Jean-Pierre Corniou est complet et intéressera des lecteurs qui veulent en savoir plus sur les réseaux de l’information. Son titre est cependant trompeur, car il ne s’agit pas tant (et même assez peu) d’une réflexion sur la connaissance en tant qu’enjeu pour l’organisation que d’une analyse de l’histoire et de l’évolution des réseaux avec quelques aspects propres à l’entreprise. On aurait pu penser que l’entreprise serait au centre de la thèse exposée, elle ne sert en fait que d’appui pour quelques exemples significatifs. Il est vrai que le terme de connaissance est à présent plus porteur que celui de réseau ou d’informatique. Il faudrait presque une suite à cet ouvrage, qui approfondirait les aspects manquants ici sur la société de la connaissance, nouvel enjeu pour les organisations.

Critique parue dans Documentaliste, sciences de l'information, 2003, vol. 40, n° 4-5, pp. 321-322.

Cop. JP Accart, 2007

 

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