Analyses d'ouvrages
2003: La Société du savoir
sous la dir. de Dominique Foray
Paris : UNESCO, 2002.
L’accès à la connaissance et au savoir pour tous
La Revue internationale des sciences sociales (RISS) a pour objectifs le rapprochement des communautés de spécialistes en sciences sociales et la diffusion auprès d’un public international (elle est publiée en six langues : anglais, français, arabe, chinois, russe et espagnol) d’informations dans ce domaine. Le thème choisi pour cette livraison est un thème d’actualité : “ La société du savoir ”. Des spécialistes de disciplines diverses contribuent avec bonheur à ce numéro de réflexion et d’interrogation sur un sujet qui touche de près les professionnels de l’information, eux-mêmes gestionnaires du savoir et de la connaissance.
Il est courant de dire que nous sommes passés d’une économie industrielle à une économie du savoir, économie dont les investissements portent sur l’éducation et la formation, la recherche, les systèmes d’information, avec une utilisation marquée des réseaux de l’information. L’analyse de la structure et du fonctionnement de la société du savoir fait apparaître un enjeu majeur : l’accès à l’information et au savoir pour tous.
En introduction, P. A. David et D. Foray proposent une perspective historique et un cadre théorique afin de distinguer savoir et information. Pour un individu ou un groupe d’individus, l’insertion dans l’économie du savoir sous-entend l’acquisition de compétences nouvelles ; cependant le développement du savoir peut être inégal selon les secteurs d’activité, mais également selon les classes sociales.
Quels traits caractérisent l’économie du savoir ? A. Hatchuel, P. Le Masson et B. Weil centrent leur article sur les nouvelles formes d’organisation des entreprises misant sur l’innovation : une organisation orientée vers la conception implique des processus d’apprentissage collectif. S. O. Hanson aborde la relation étroite qui existe, selon lui, entre la société de la connaissance (caractérisée par une abondance d’information) et la société du risque (entraînant un accroissement des risques). La production de connaissances entraîne inévitablement des incertitudes faisant naître une catégorie épistémologique nouvelle : la connaissance sur le risque. M. Feldman analyse l’impact des technologies en termes de “ localisation ”, de “ proximité entre les individus ”, et note un assouplissement des contraintes de proximité dans de nombreuses situations. V. Rabehorisoa et M. Callon étudient le cas d’associations de malades qui mettent en relation des non-experts (dits profanes) et des scientifiques afin de produire – de coproduire – des connaissances.
Quels nouveaux mécanismes de régulation sont à l’œuvre ? Pour A. Lam, il existe différents modèles d’acquisition de compétences qui s’adaptent plus ou moins bien aux exigences de l’économie du savoir. M. Gassler, évoquant le domaine de la santé publique, exprime le souhait d’un droit universel aux nouvelles connaissances. A. Zerda-Sarmiento et C. Forero-Pineda souhaitent un meilleur équilibre entre la protection des intérêts des communautés ethniques et la satisfaction des besoins de la recherche scientifique. A. Arora, A. Fosfuri et A. Gambardella analysent les marchés des technologies vues comme des moyens de croissance et d’accès aux connaissances pour les pays en voie de développement.
Enfin, quelles perspectives politiques peut-on dresser ? C. Forero-Pineda et H. Jaramillo-Salazar passent en revue les possibilités d’accès aux découvertes scientifiques pour les pays en développement. Il apparaît cependant difficile de faire se conjuguer les forces scientifiques, économiques et politiques de ces pays vers un accès à la connaissance : afin d’étayer leur thèse, les auteurs évoquent la privatisation des bases de connaissance et les liens trop faibles entre scientifiques et entrepreneurs. W. E. Steinmueller propose un agenda de recherche que les sciences sociales pourraient s’approprier, l’objectif étant de mieux maîtriser l’économie du savoir. Cet agenda porte sur l’accès universel, les standards technologiques, les investissements dans les infrastructures de réseaux (sociaux et physiques).
Les différents articles qui composent ce numéro de la Revue internationale des sciences sociales évoquent tous, en filigrane ou plus directement, la question de l’accès au savoir pour tous. C’est en effet une question essentielle à poser et à débattre, aussi bien dans les revues que dans les tribunes nationales et internationales. Il semble cependant que cet aspect très important de la société du savoir soit à présent entré dans les discours politiques et qu’une certaine prise de conscience ait eu lieu.
Critique parue dans Documentaliste, sciences de l'information, 2003, vol. 40, n° 4-5, pp. 321-322.
Cop. JP Accart, 2007

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