Analyses d'ouvrages

2003: Transition vers la société du savoir

images9sous la dir. de K. Rubenson et HG Schuetze
Vancouver : Université de Colombie britannique, 2000.

Parrainée par Développement des ressources humaines Canada et la DG V de la Commission européenne, une conférence internationale sur la société du savoir s’est tenue à Vancouver en 1998, réunissant chercheurs, analystes politiques et administrateurs de quelque 12 pays. Elle a donné lieu à la publication de ce volumineux document qui s’articule principalement sur la difficulté d’accéder à la société du savoir et d’y participer activement. Quel est le rôle du savoir et de l’innovation dans la croissance économique et l’emploi ? Peut-on jeter les fondements d’une théorie de l’économie du savoir ? Quelles sont les interactions entre l’économie du savoir, l’innovation technologique et les politiques publiques ? Autant de questions auxquelles cet ouvrage donne des réponses précises, s’appuyant sur des auteurs de renom international.

« Les politiques économiques et sociales pour la société du savoir » (1ère partie) offrent un aperçu général des thèmes économiques développés tout au long des 500 pages. L’analyse insiste sur la nature des technologies de l’information et de la communication et la manière dont elles transforment les modes traditionnels de production des biens et services, leurs effets sur la nature et l’organisation du travail. Il est nécessaire de tenir compte d’un certain nombre de paramètres : le savoir étant par nature « non concurrentiel », l’innovation et l’évolution technologique créent de l’incertitude. Les politiques ne peuvent être neutres et il n’existe pas de « meilleure politique technologique ». Un nouveau contrat social doit être instauré, prenant en compte les conséquences défavorables engendrées par la nouvelle économie et la mondialisation (délocalisation, chômage…). L’exclusion de la société du savoir de certaines catégories de population doit être enrayée et dans ce contexte, les technologies de l’information ont un rôle à jouer dans le renouveau du dialogue social.

« Le marché mondial, les régions et les communautés » (2ème partie) démontre le rôle central de ces technologies dans la mondialisation des biens et des services. Les entreprises doivent évoluer constamment et les prendre en compte dans leurs investissements. La réussite dépend cependant du changement dans l’organisation du travail et de pratiques de gestion différentes. Certains auteurs canadiens constatent une certaine lenteur dans cette mise en œuvre par les petites entreprises engendrant une performance moindre ; ils mettent en avant également les populations à faible revenu et peu qualifiées qui n’ont pas accès aux technologies de l’information. En Europe, les disparités apparaissent sensibles entre les régions : l’Union européenne a fait évoluer sa législation en matière d’aide au développement économique des régions. Les entreprises européennes semblent moins ouvertes à l’innovation technologique qu’aux Etats-Unis ou au Japon, moins capables de transformer le savoir en innovation et donc en produits commercialisables.

« Le travail dans l’économie du savoir » (3ème partie) met l’accent sur l’importance accordée à la main d’œuvre qualifiée, au désavantage des moins qualifiés entraînant des conséquences économiques importantes : une rationalisation des emplois non spécialisés, l’instabilité et la précarité des emplois, des taux de salaire en baisse chez les travailleurs non qualifiés et plus âgés. Le nouveau cadre du travail actuel implique de repenser l’apprentissage individuel. Les travailleurs du savoir, de plus en plus nombreux, doivent présenter des qualités et des compétences spécifiques : en matière de cognition, d’autorité, de gestion et de communication. Pour cela, les auteurs mettent en avant l’enseignement coopératif qui établit la relation entre l’école et le milieu de travail. Technologie, emploi et qualification sont étroitement liés. Cependant, des nuances sont à apporter selon les pays étudiés entre emplois qualifiés et non qualifiés, échelles des salaires et développement technologique : la flexibilité du travail est en effet très différente aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, par rapport à l’Allemagne, la France ou l’Italie.

« Participation et intégration à la société du savoir » (4ème partie) s’attache à l’investissement des entreprises dans les ressources humaines. Au Canada, l’investissement est faible dans la formation continue des salariés moyens à la différence des salariés qualifiés. Une intervention politique s’avère nécessaire ainsi qu’une réglementation du marché du travail et une offre en matière de formation plus importante. Le travail des femmes dans la société du savoir est également considéré et demande plus de flexibilité, des possibilités de formation et d’apprentissage supplémentaires : les femmes sont affectées inégalement, les nouvelles formes de travail (travail à distance, à domicile…) pouvant renforcer ou réduire dans certains cas l’égalité des chances entre hommes et femmes. « L’éducation continue pour tous » doit être intégrée dans les politiques publiques, la citoyenneté (et non l’aspect commercial) doit être prédominante sur les réseaux de l’information.

« Mesurer la société du savoir » (5ème partie) exploite, dans un premier temps, une enquête internationale sur l’alphabétisation des adultes afin de comprendre le lien entre capital humain et croissance économique ; puis, dans un deuxième temps, sont exposés des instruments d’enquête pour suivre des pratiques relatives à l’organisation du travail au Canada et en Europe.

En conclusion à cette présentation, il est nécessaire de préciser que cet ouvrage s’inscrit dans une actualité brûlante et traite de thèmes qui font la une de la presse, tant les enjeux actuels de la mondialisation et de l’économie du savoir sont importants. Les conséquences de la nouvelle économie sont en effet visibles quotidiennement dans notre environnement et touchent des catégories entières de travailleurs, soit en modifiant radicalement leurs manières de travailler, soit en supprimant des emplois. Les auteurs de cet ouvrage insistent à juste titre sur la nécessité de la formation continue (« l’éducation continue pour tous ») afin de s’adapter aux méthodes induites par les technologies actuelles, sur la place des politiques de qui dépendent les mesures à prendre.

Critique parue dans Documentaliste, sciences de l'information, 2003, vol. 40, n° 3, pp. 238-239.

Cop. JP Accart, 2007

 

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