Analyses d'ouvrages

2004: Knowledge Management. Libraries and Librarians Taking Up the Challenge

images11ed. H.-C. Hobohm
München : K.G. Saur, 2004
IFLA Publications, 108
ISBN 3-598-21838-9

Hans-Christoph Hobohm, professeur en sciences de l’information à l’Université des Sciences appliquées de Potsdam (Berlin), a réuni dans ce volume les actes des interventions consacrées au knowledge management lors de la Conférence générale de l’IFLA en août 2001 à Boston. Il a également rassemblé les textes présentés à des conférences antérieures à partir de 1997. Nous avons donc en un volume un état de l’art des réflexions sur le knowledge management à l’IFLA ce qui n’est pas un des moindres intérêts de cette publication. Lors de la conférence de Boston, un groupe de discussion sur le knowledge management s’est constitué : de nombreux membres de ce groupe, dont les travaux ont été très suivis, sont issus de la Fédération internationale de documentation (FID) qui a cessé ses activités précisément en 2001. En 2003, l’IFLA a accepté que le groupe de discussion prenne la forme d’une section, officialisant ainsi ses activités.

L’ouvrage qui nous est présenté forme un tout cohérent, avec un ensemble de textes de réflexion et de cas pratiques. Le knowledge management est vu aussi bien du côté des bibliothèques que de celui des entreprises. La renommée de certains des intervenants est pour beaucoup dans le succès rencontré à Boston, qu’il s’agisse de James Matarazzo ou de Larry Prusak. Leur expérience du knowledge management - qui date du début des années 1990 dans les entreprises américaines - peut être prise comme un exemple à suivre. Elle est retranscrite dans un article introductif (« Blow up the Corporate Library ») que tout professionnel de l’information devrait lire : les auteurs pointent du doigt le fait que, bien que notre société soit dite « société de l’information », les professionnels de l’information que nous sommes ne sont pas considérés à leur juste valeur dans les entreprises. Ceci serait dû en partie à notre conception du modèle d’un service d’information trop « daté », service conçu comme un entrepôt d’information (warehouse model). Deux alternatives sont proposées à ce modèle jugé dépassé : celle du centre d’expertise et celle du réseau documentaire.

L’ouvrage est ensuite divisé en trois parties. La première partie « Political and Ethical Implications » développe les aspects philosophiques et politiques du knowledge management. Rainer Kuhlen – professeur à l’Université de Konstanz, il est considéré comme une autorité en matière de gestion de l’information en Allemagne – met en perspective le knowledge management, le Sommet mondial sur la société de l’information et la position déontologique de l’UNESCO concernant l’information. Selon lui, la gestion des connaissances, souvent vue comme une autre manière de parler de la gestion de l’information, va bien au-delà de celle-ci. Rafael Capurro (Université de Stuttgart – Berlin) insère le knowledge management dans une longue tradition philosophique et politique, Aristote et Démocrite ayant développé leurs théories sur le concept de connaissance : il apparaît que la gestion des connaissances n’est pas qu’une nouvelle méthode de management à la mode d’aujourd’hui. Roland Wagner-Dö;bler (Université de Humbolt) montre le lien existant entre gestion des connaissances et gestion de l’information, notamment par rapport au management de la qualité et à la bibliométrie. Vigdor Schreibman (éditeur à Washington) constate que les bibliothèques ne peuvent régler à elles seules la question de l’organisation des connaissances même à l’aide des technologies.

La seconde partie « Issues and Instruments » met en valeur les aspects pratiques contemporains du knowledge management. Elizabeth Davenport (Napier University – Edinburgh) explicite les concepts et leurs implications dans le travail quotidien d’un service d’information. Cette mise en relation est intéressante à plus d’un titre car elle permet de mieux comprendre quelles sont les compétences à utiliser suivant les tâches fixées. Susan Henczel (Caval Ltd, Australie) axe son intervention sur les aspects qualité et services aux usagers : selon elle, cette étape conduit droit à une démarche de knowledge management. Irène Wormell (Ecole des sciences de l’information de Boras, Suède) prolonge le texte introductif de L. Prusak en montrant quelles compétences sont nécessaires aux professionnels de l’information pour devenir des knowledge manager : un service d’information dont la démarche est en lien direct avec la stratégie de l’entreprise est au plus près de la gestion des connaissances. Anne Morris (Département des sciences de l’information, Loughborough University) développe les aptitudes nécessaires pour investir ce domaine sur le marché de l’emploi : les professionnels de l’information semblent bien positionnés, ce domaine leur permettant d’être valorisés tant du point de vue de leur image que du point de vue salarial. A. S. Chaudhry (Ecole de communication et d’information – Singapour) et S.E. Higgins (Charles Strurt University, Australie) analysent les programmes en sciences de l’information et pointent le fait qu’ils devraient insister encore plus sur les technologies des connaissances actuelles. Enfin, Michael Koenig (Long Island University) centre sa réflexion sur la formation des utilisateurs qu’il conçoit comme étant en lien direct avec le knowledge management d’où la place non négligeable des bibliothécaires.

La troisième partie « Case Studies » met en valeur un certain nombre d’enquêtes ou d’expériences menées sur le terrain des entreprises. Pour exemple : une carte des connaissances du Web développée au sein de l’Aarhus School of Business au Danemark (T. Bang) ; la démarche de knowledge management adoptée par le gouvernement finlandais (M. Jussilainen) ; les processus de capitalisation dans des entreprises en France (JP Accart) ; un Observatoire sur la qualité au Portugal (P. Ochôa, L.G. Pinto) ; le rôle stratégique d’une bibliothèque d’entreprise à Boston (A.J. Jacobson, J.M. Matarazzo).

On ne saurait trop conseiller la lecture de cette publication : elle s’inscrit complètement dans le domaine d’intervention des professionnels de l’information en considérant à la fois les aspects politiques, philosophiques, sociaux et également pratiques de la gestion des connaissances appliquée aux services d’information et de documentation. La mise en relation entre connaissances et information apparaît alors plus évidente car de nombreux voiles sont levés au travers d’exemples concrets. Cela est d’autant plus remarquable que la majorité des publications actuelles sur le knowledge management sont le fait de spécialistes qui ne prennent pas toujours en compte l’aspect « information ». L’IFLA, en publiant ces textes, confirme que notre profession a pris le tournant knowledge management et s’inscrit dans l’actualité des entreprises.

Critique parue dans Documentaliste, sciences de l'information, 2004, vol. 41, n° 2, pp. 128-129.

Cop. JP Accart, 2007

 

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