Analyses d'ouvrages
2007 : Libraries and Google
ed. by William Miller, Rita M. Pellen. - New York : The Haworth Press (10 Alice street, Binghamton, NY 13904-1580 USA), 2006. - 240 p. - ISBN 0-7890-3125-6 : 24,95 $
Publié simultanément dans : Internet Reference Services Quarterly, 2005, vol. 10, n° 3-4
S'il existe un sujet dont l'actualité ne se dément pas, il s'agit bien de Google et nul doute que nous en entendrons parler encore un certain temps (« Love it or hate it, Google is here to stay » selon William Miller dans l'introduction à cet ouvrage). Les annonces régulières des nouveautés du moteur de recherche - qui détient un quasi monopole de la recherche d'information sur Internet - sont autant de questions (de remises en question ?) pour les bibliothécaires et les professionnels de l'information en général : GoogleBooks, GoogleScholar, les projets de numérisation à grande échelle sont quelques exemples récents. Que faut-il penser ? Google est-il un réel concurrent ou une aide pour les bibliothèques ? La réponse n'est pas si évidente, car Google constitue aussi un des outils employés par les bibliothécaires.
Le livre qui nous est proposé ne répond pas à toutes les questions, mais ils donnent des pistes de réflexion intéressantes proposées par ceux qui sont en faveur ou carrément contre Google. Il rassemble 19 points de vue dans autant d'articles publiés en 2005 par la revue Internet Reference Services Quarterly, et rédigés par des bibliothécaires américains.
Mark Sandler (« Disruptive Beneficence : The Google Print Programm and the Future of Libraries ») envisage Google comme une "technologie de rupture" qui oblige les bibliothécaires à faire évoluer leur pratique et surtout les prestations offertes aux usagers : il apparait évident que le « raz de marée » Google remet en question le rôle des bibliothèques comme source d'information essentielle, accessible et ouverte à tous. Le projet de Google, à plus ou moins long terme, tend à constituer une bibliothèque numérique universelle : rendre ainsi tous les ouvrages publiés disponibles en ligne est un vaste projet, mais qui avance. Certaines bibliothèques acceptent de collaborer, d'autres refusent. M. Sandler propose alors, face à cette numérisation de masse, que les bibliothèques numérisent des collections spécifiques, spécialisées. Rick Anderson, (« The (uncertain) future of libraries in a Google world: sounding and alarm »), va dans le même sens. Il relève des contradictions dans le discours actuel (que l'auteur de cette analyse partage...) selon lequel le premier moteur de recherche ne fournit pas des résultats toujours pertinents. Mais n'est-ce pas également le cas dans les bibliothèques ? La disparition des usagers dans certaines bibliothèques ne s'explique-t-elle pas par les heures d'ouverture (à l'inverse d'Internet interrogeable de manière permanente), par la difficulté de rechercher dans les catalogues, par une terminologie propre aux bibliothèques que l'usager ne comprend pas ? Une des réponses possibles des bibliothèques est de proposer des services et prestations innovants, en allant chercher l'usager là où il se trouve, sur Internet notamment ! Le développement récent de la technologie Web 2.0 dans les bibliothèques en est la preuve évidente.
Plusieurs autres articles détaillent avec un certain plaisir les défauts et les manques de Google Print, Google Scholar et autres outils Google : la question du droit d'auteur se pose de manière aigüe par rapport à Google Print (d'où les retentissants procès faits au moteur de recherche, mais qui ne semble pas enrayer le mouvement, au contraire) ; la recherche d'information, déjà évoquée, présente de nombreuses faiblesses (trop ou peu de résultats dont la fiabilité et la pertinence sont parfois sujets à caution) ; Google Scholar rentre-t-il vraiment dans le champ académique ? ; comment sont utilisées les données personnelles ? (là également, des procédures sont en cours auprès de Google pour limiter leur utilisation ou leur durée).
Mais on ne peut nier que Google est un véritable succès planétaire, développant sans cesse de nouvelles possibilités : les usagers ne s'y trompent pas, contribuant largement à ce succès. Que serait un monde sans Google ? Personne n'ose se poser la question, car il fait dorénavant partie de notre vie quotidienne.
Certains auteurs de « Libraries and Google » ont une approche différente et positive : comment les bibliothèques peuvent-elles tirer avantage des possibilités offertes par Google ? Nombre d'entre elles adoptent sans se poser trop de questions le mode de recherche Google dans leurs catalogues. La recherche d'information peut également profiter des outils Google : en défrichant le terrain pour aborder un sujet, en s'entrainant avec Google Scholar avant de s'attaquer à des recherches plus complexes dans des bases de données professionnelles. Les bibliothécaires apportent un plus grâce à leurs compétences et leur savoir faire. Alan Dawson (« Optimising Publications for Google Users ») suggère que les bibliothèques soient plus rigoureuses par rapport aux métadonnées qu'elles produisent, de manière à ce que leurs ressources soient mieux indexées par Google.
La lecture de cet ouvrage, qui rassemble nombre de points de vue déjà lus ou entendus, mais avec une autre approche, devrait faire partie des lectures de tout professionnel de l'information. Il retrouve là ses propres préoccupations et interrogations, il peut envisager des solutions inédites. Google nous fait réfléchir, et somme toute, avancer.
Cop. JP Accart, 2008
Critique parue dans Documentaliste, sciences de l'information, 2007, vol. 44, 4-5, 341-342.
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