International
2000 - IFLA Jérusalem (Israël)
La bibliothèque du futur en débat à Jérusalem
Archimag, 2000, n° 138, pp. 5-6.
C'est sous ce titre prometteur qu'a eu lieu du 13 au 18 août dernier, pour la 66ème fois consécutive, la conférence de l'International Federation of Libraries Institutions and Associations (IFLA) [1] à Jérusalem. Lieu hautement symbolique, Jérusalem allie une grande diversité de religions et de cultures sur un site magnifique. Sélectionnée dès 1995 après présentation d'un dossier très étayé, Jérusalem fut très vivement critiquée comme lieu de conférence pour des raisons politiques, en particulier par l'autorité palestinienne. Pour la première fois, suite aux évènements récents, les pays arabes n'ont pas assisté à la Conférence ce qui fut à l'évidence regrettable: quelques 85 pays envoyèrent leurs représentants contre 135 habituellement et la fréquentation fut inférieure de quelque 30% (sur les 3000 participants habituels). 400 professionnels israéliens étaient inscrits. Les lieux de visites possibles, bibliothèques et centres de documentation, ont montré le niveau scientifique élevé des équipements offerts aux publics, notamment ceux de la Knesset ou de l'Université hébraïque sur le Mont Scopius (financée en grande partie par des fonds privés nords-américains et européens) dont les bâtiments dominent la vieille ville de Jérusalem et qui accueillirent de nombreux ateliers de travail des différentes sections de l'IFLA.
Christine Deschamp, actuelle présidente française de l'IFLA, a présenté dans son discours d'ouverture un bilan de l'année écoulée. Outre le fait que la Fédération ait modifié en 2000 ses statuts afin de rendre son organisation plus souple et plus adaptée aux évolutions actuelles, il apparaît clairement que les critères professionnels visés sont de plus en plus élevés: les conférences et ateliers de travail (soit quelques 130 manifestations sur 5 jours !) vont ainsi voir leurs programmes soumis à une sélection plus rigoureuse. Qualité et professionnalisme sont plus que jamais à l'ordre du jour ! La présidente de l'IFLA a également insisté sur la nécessité pour l'ensemble des professions de l'information de se rencontrer régulièrement, et a lancé l'idée d'un diplôme commun aux bibliothécaires, documentalistes et archivistes. Le dialogue nord-sud est vivement encouragé (la présence de nombreux boursiers africains le démontre) et la francophonie a été évoquée.
Bénéficiant d'une présidente française à la tête de la Fédération, la francophonie a connu un essor certain depuis plusieurs années. Comment en effet promouvoir certaines valeurs linguistiques et culturelles au sein d'une Fédération qui comptent plusieurs dizaines de langues, mais dont l'anglais est la langue véhiculaire principale ? (Il est vrai qu'à l'origine de l'IFLA, la langue française prédominait, comme d'ailleurs dans tous les échanges internationaux de l'époque). C'est à cette tâche que le Comité français IFLA s'est attelé ; il rassemble les associations françaises de bibliothécaires et de documentalistes, les représentants des ministères de tutelle (Culture et Enseignement supérieur) et parle ainsi d'une voix commune. Il compte plusieurs réalisations à son actif: un site Internet très complet lancé en juin dernier, l'attribution de bourses pour des professionnels français et francophones afin de leur permettre d'assister à la Conférence annuelle, ainsi que la traduction des principales contributions présentées. La traduction du quotidien publié lors de la Conférence IFLA Express est réalisée en partenariat avec des étudiants de l'ENSSIB.
Les bibliothécaires construisent la bibliothèque du futur: une vingtaine de conférences avait pour thème générique les bibliothèques numériques. On ne compte plus désormais les projets nationaux de numérisation (la Bibliothèque nationale de Chine a déjà numérisé quelques 40 millions de pages de son patrimoine écrit) ou transnationaux (la Biblioteca Universalis rassemblant les pays du G8 dont la BNF ; le projet en cours pour la renaissance de la Bibliothèque d'Alexandrie ; le nouveau programme de l'UNESCO sur la société de l'information). Le site de l'IFLA recense les projets de numérisation. C'est en matière d'information administrative que les bibliothèques numériques avancent le plus vite, avec le développement des Intranet et Extranet: le cas de l'Union européenne est marquant, mais la Russie et l'Europe de l'Est suivent le mouvement. Les bibliothécaires de la Knesset voient dans Internet "un réel instrument de démocratie". La technologie du numérique repose également sur les métadonnées: le Dublin Core voit sa définition étendue et diversifiée ce qui amène à un certain nombre de discordances. Celles-ci ont des implications techniques notamment dans l'environnement bibliographique international. L'IFLA devrait être amenée à instaurer des standards de métadonnées internationaux.
La question des bibliothèques numériques conduit à celle des licences d'exploitation de sources d'information électroniques et à la mise en place des consortiums de bibliothèques afin de répondre de manière unifiée aux éditeurs: l'exemple de négociations en cours au Canada et en Israèl et les diverses conceptions de licence de site ont été débattus. Outre cet aspect, l'ère du numérique oriente différemment le travail en bibliothèque, et met en cause la place du bibliothécaire de référence (reference librarian): son rôle apparaît de moins en moins nécessaire, surtout en bibliothèque universitaire, où étudiants et enseignants interrogent directement Internet pour trouver ce qu'ils recherchent, et ne viennent plus consulter en bibliothèque et demander l'assistance d'un spécialiste. La tendance actuelle des bibliothèques nord-américaines est de supprimer ce poste pour le remplacer par une ligne téléphonique ouverte en permanence ou un contact électronique ce qui permet d'orienter l'utilisateur vers tel ou tel spécialiste au sein même de la bibliothèque. C'est en quelque sorte un passage du renseignement physique à celui virtuel qui a été trouvé. La formation universitaire à distance se développe également avec des expériences originales telle la conception de matériels didactiques numérisés à l'Université d'Haïfa en Israèl ou la mise en ligne de sources de références au Metropoitan Museum of Art de New York et à Munich. Enfin, certains portails d'accès à l'information (en sciences sociales) ont été évalués, ce qui a été l'occasion de mettre en évidence le rôle prédominant du spécialiste de l'information dans la définition de critères précis d'évaluation.
Le prochain rendez-vous annuel de l'IFLA se tiendra du 16 au 25 août 2001 à Boston avec pour thème: "Bibliothèques et bibliothécaires : faire la différence à l'ère de la connaissance".
[1] Site Internet de l'IFLA (textes présentés à Jérusalem): www.ifla.org
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