International
2002 - IFLA Glasgow (Grande-Bretagne)
Un investissement dans la connaissance
Documentaliste, sciences de l’information, 2002, vol. 39, n° 6, pp. 306-309.
People's Network, le programme national d'information
Le Royaume-Uni possède une grande diversité de services d'information et de bibliothèques dont certains ont une renommée internationale, la British Library n'étant pas le moindre exemple. Une des particularités britannique est la présence de trois bibliothèques nationales sur le territoire, en Angleterre, au Pays de Galle et en Ecosse. Le réseau des 4600 bibliothèques publiques et des 150 services d'information pour la recherche et l'enseignement supérieur s'enrichit de 6400 bibliothèques scolaires et de 10 000 centres de documentation dans les secteurs publics et privés. 58 % des Britanniques sont enregistrés en tant qu'utilisateurs de ces services [1]. Depuis deux ans, un programme d'action gouvernemental, People's Network, doté de 270 millions de livres sterling a été engagé afin de faire entrer le Royaume-Uni dans la société de l'information.
De nombreuses raisons ont conduit à mettre en place un projet d'une telle envergure - la principale étant le développement des accès à Internet - parmi lesquelles l'augmentation du nombre des étudiants, l'accroissement de l'enseignement et du travail à distance. Dans ce cadre, les services d'information et les bibliothèques sont mis à contribution et voient leur rôle accru, leurs actions étant aussi bien dirigées vers le public enfants (le projet Books for Babies) que vers l'enseignement supérieur (avec le projet DNER, Distributed National Electronic Resource) afin de proposer des ressources électroniques diversifiées et de qualité. Dans le domaine de la santé et de la médecine, le célèbre National Health Service développe NHS Direct, une bibliothèque électronique de santé pour les professionnels, mais également pour les usagers.
People's Network permet, entre autre, la formation des bibliothécaires et documentalistes aux technologies de l'information avec une enveloppe de 20 millions de livres sterling, enveloppe qui comprend la création de contenus pour les supports électroniques de l'information. Des centres d'apprentissage à ces technologies pour les usagers sont créés dans les 4600 bibliothèques publiques britanniques avec pour objectif de desservir les populations n'ayant pas accès à Internet notamment les chômeurs, les handicapés ou les personnes à bas revenus. Le gouvernement a fixé l'année 2005 pour que le projet People's Network soit en phase terminale avec 6000 centres ; cette échéance est également fixée pour que les services d'information gouvernementaux soient en ligne. A l'heure actuelle [2], 67% des points d'accès publics sont reliés à Internet [3].
Resource, une entité unique pour l'information
En avril 2000, une nouvelle institution publique, Resource, a été créée par le Département de la culture, des médias et des sports. Cette entité rassemble sous une même tutelle les bibliothèques, les archives et les musées [4]. Un des derniers projets annoncé par Resource est le développement de Cornucopia, la banque de données en ligne des collections des musées anglais [5]. L'autre initiative marquante dans le domaine des professions de l'information est la constitution d'un corps professionnel unique rassemblant les bibliothécaires avec The Library Association (LA) et les documentalistes avec The Institute of Information Scientists. Ce corps unique dénommé The Chartered Institute of Library and Information Professionals (CILIP) [6] est fort de 23 000 membres. CILIP, une des plus importantes associations professionnelles au Royaume Uni et probablement en Europe, repose sur une forte infrastructure régionale avec un grand nombre de groupes d'intérêts spécialisés. Elle publie une revue mensuelle Library and Information Update et d'autres publications professionnelles telle The Journal of Information Science. En outre, CILIP développe Facet Publishing [7] recouvrant des publications dans des domaines proches des sciences de l'information tels que le knowledge management, l'enseignement à distance ou la numérisation des données. Selon Sheila Corrall, première présidente de CILIP, " ...ce nouveau corps professionnel est représentatif des différentes composantes de nos métiers. En tant que professionnels de l'information, nous avons un rôle fondamental à jouer en aidant nos utilisateurs à développer leurs compétences et leur confiance dans l'information ".
Décentralisation administrative et services d'information
La tradition bibliothéconomique et documentaire déjà forte en Grande-Bretagne voit, avec l'ensemble de ces initiatives publiques et la mobilisation des professionnels de l'information, une prise de conscience généralisée des enjeux de la société de l'information, avec un effort tout particulier dans le domaine social afin de ne pas laisser de côté des catégories de populations défavorisées. L'impact de ces professions sur la société britannique dans son ensemble est un phénomène intéressant à étudier, pour nous Français toujours à la recherche de reconnaissance. Dans tous les secteurs de l'économie, le mot-clé principal est désormais : accès à l'information. Cette mobilisation n'aurait évidemment pas été possible sans le développement actuel des technologies de l'information et des réseaux en particulier. Un autre fait essentiel de cette prise de conscience nationale est la décentralisation du pouvoir politique et décisionnel de Londres vers le Pays de Galles et l'Ecosse qui ont un parlement et une administration propres depuis 1999. Cela se traduit par un transfert de responsabilité et une autonomie financière de chacune de ces régions comparables à ce que nous connaissant en France depuis la loi sur la décentralisation en faveur des régions : la création des bibliothèques nationales écossaise et galloise en est la preuve, ces deux institutions ayant pour mission de mettre en place la normalisation des services d'information et des bibliothèques. L'Irlande du Nord s'achemine vers une solution identique.
La décentralisation est également effective en Angleterre [8] avec la création d'autorités régionales, dont une des responsabilités principales est le contrôle des services culturels incluant les bibliothèques, les musées et les archives. Resource met en place des unités régionales dans les neufs régions anglaises, avec pour missions de promouvoir et de supporter les aspects culturels et d'apporter le meilleur service au public [9]. A titre d'exemple, l'agence régionale NEMLAC (North East Museums Libraries and Archives Council) rassemble 90 institutions auparavant séparées dans le domaine culturel.
Aspects législatifs propres à l'information en Grande-Bretagne
Plusieurs organismes administratifs sont impliqués dans la gestion des bibliothèques et des services d'information, le plus important étant le Département de la culture, des médias et des sports (DCMS) [10]. L'acte législatif fondateur en matière de lecture publique est le Public Libraries and Museums Act de 1964, complété par le British Library Act en 1972 et le Public Lending Right en 1979. Le Département du commerce et de l'industrie (DTI), ainsi que le Département de l'éducation (DfES) contrôlent, pour leur part, les aspects législatifs et budgétaires. Outre le dépôt légal des documents au travers du Copyright Act de 1911 au sein de la British Library, cinq autres bibliothèques - The Bodleian Library à Oxford ; The Cambridge University Library ; The National Library of Scotland ; The National Library of Wales - se partagent les différents dépôts. Une des initiatives les plus populaires est la mise à disposition sur Internet du recensement de la population de 1901, contenant 32,5 millions de notices biographiques sur les résidents britanniques (nom, âge, adresse et état de santé).
Focus sur les services d'information britanniques
Les 10 000 services d'information recensés - comparables à ce que nous appelons centre de documentation en France, le concept le plus proche en anglais étant " special library " - sont présents principalement dans l'industrie ou le commerce, mais également dans le domaine associatif, les sociétés savantes, les laboratoires de recherche et d'autres organismes spécialisés. Ces dernières années, ces services ont vu leur rôle étendu au record management, à la gestion des sites Internet et Intranet, à la numérisation des données et au knowledge management. Les Research Councils [11], au nombre de 9, ont été lancés en mai 2002 par le secrétariat d'Etat à l'industrie et au commerce, en vue de faire collaborer la recherche publique et le secteur privé. Ces councils ont pour mission de fournir grâce à leurs services d'information, l'information scientifique nécessaire aux chercheurs. Le secteur associatif, très dynamique, touche également l'information scientifique : des associations telles que The Royal Society of Chemistry [12] The Institution of Mechanical Engineers [13], The Institution of Electrical Engineers [14], The Britsh Computer Society [15] ont développé des fonds documentaires spécialisés de première importance dans leur domaine respectif.
Le National Health Service (NHS) possède un réseau de 500 bibliothèques médicales et emploie 2000 personnes dont la moitié sont diplômés en science de l'information. 22 millions de livres sterling sont dépensés chaque année pour les bibliothèques de santé en Grande-Bretagne. Le gouvernement britannique, par cet effort financier conséquent, place la barre très haut pour l'information de santé [16]. Celle-ci ne s'adresse plus seulement aux seuls médecins et personnels paramédicaux, mais également aux décideurs et aux administratifs - ce qui tend à être le cas en France. La coopération est effective au sein des régions que celle-ci soit budgétaire [17], mais également en terme de répartition des ressources. Les patients sont au cœur du système de santé avec la devise officielle suivante : " Plus de pouvoir et plus d'information pour le patient ". Les deux projets-phares sont NHS Direct accessible par téléphone ou en ligne, et NELH (The National Electronics Library for Health), futur portail de l'information de santé britannique à destination des équipes de santé, des patients et du grand public [18].
Quelques grands services d'information britanniques en matière de santé
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Le Royaume-Uni et la société de l'information
Comme dans un certain nombre d'autres pays à l'heure actuelle, il y a peu de domaines au Royaume-Uni qui ne soient impactés par les technologies de l'information. Plusieurs organismes gouvernementaux sont impliqués dans le développement de la société de l'information : certains ont déjà été pass&eac
te;s en revue (le NHS, l'initiative People's Network, le DNER, Resource, le NELH) ; le thème de l'apprentissage tout au long de la vie est un autre des chevaux de bataille du gouvernement actuel [19], ainsi que l'accès à l'information administrative au travers d'un portail UK Online [20] qui promet un " gouvernement à l'âge de l'information ". UK Online est organisé de manière à être au plus près de la vie quotidienne des citoyens britanniques, avec des rubriques telles que : " Partir " ; " Changer d'habitation " ; " Apprendre à conduire " ; " Avoir un enfant "... La rubrique " Education " comporte de nombreux liens vers des bibliothèques et services d'information. Les services postaux sont également mis à contribution et proposent l'accès à Internet et des petites bibliothèques.
En conclusion, l'ensemble des initiatives, projets et mesures mis en œuvre font du Royaume-Uni un pays à la pointe de la technologie à l'heure actuelle. Il rejoint en cela d'autres pays, avec cependant un action positive en faveur des populations défavorisées.
La comparaison avec le contexte français est difficile, même si des initiatives sont très approchantes, notamment en matière d'information administrative. En ce qui concerne les professions de l'information, ce qui est à noter, à l'heure où notre profession change et où de nombreuses questions sont posées quant à leur avenir, est la réunion des professionnels en une seule association avec également une seule institution de tutelle. Ce souci d'unité aurait certainement du mal à éclore en France, mais peut-être faut-il voir là une piste pour notre métier dans le futur.
Quelques adresses utiles
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Notes
1) Ces chiffres sont fournis par le British Council dans une publication " Library and Information Services in the United Kingdom 2002 " distribuée lors du Congrès de l'IFLA à Glasgow en août 2002.
2) Chiffres donnés en avril 2002
4) Pour plus d'information : http://www.resource.gov.uk
5) soit 450 musées : http://www.cornucopia.org.uk
7) http://www.facetpublishing.co.uk
8) 88 % des 59,501,000 britanniques résident en Angleterre, soit 49,573,000. La population écossaise représente 5,119,000 ; le Pays de Galles, 2,937,000 ; l'Irlande du Nord, 1,692,000. Source : Britain in 2001 - The official yearbook of the United Kingdom (National Statistics).
9) In Future Options for Regional Agencies / John Holden, London : Resource, 2001
10) http://www.culture.gov.uk/heritage/libraries.html
11) http://www.research-councils.ac.uk
12) http://www.rsc.org/lic/library.htm
14) http://www.iee.org.uk/TheIEE/Research/LibSvc/
15) http://www.iee.org.uk/Library/
16) Pour plus d'information, consulter la publication officielle en la matière pour la période 1998-2005, Information for Health
17) Selon les prévisions officielles, le budget pour l'information de santé doit croître de 6,2 % jusqu'en 2004
18) http://www.nelh.nhs.uk (certaines informations sont accessibles sur abonnement)
19) http://www.lifelonglearning.co.uk
20) http://www.ukonline.gov.uk
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