International

2005 - BBS Bâle (Suisse)

 La coopération des bibliothèques suisses

Arbido, déc. 2005, n° 12, pp. 11-12.

Dans son discours d’introduction au congrès, Peter Wille souligne avec juste raison un certain nombre de facteurs de changement dans le monde actuel des bibliothèques : en reprenant à bon escient les traits marquants de la conférence de la veille « Les bibliothèques ont-elles atteint leurs limites ? », il évoque tour à tour le poids grandissant des moteurs de recherche (avec Google et son projet de numérisation) ; un marché de l’information en pleine concentration et en forte concurrence en visant deux catégories : fournisseurs d’information ou maisons d’édition ; et enfin, un comportement imprévisible des utilisateurs, notamment des plus jeunes d’entre eux. Quelles solutions peuvent être avancées par les bibliothèques, dans ce contexte incertain ? Une solution apparaît comme une des plus adéquates : la coopération, thème même du congrès de cette année.

« Coopération sans frontières », titre choisi pour le congrès, ne peut être mieux adapté à Bâle, cette ville-frontière à la croisée de trois pays : la Suisse, la France et l’Allemagne. Ville de tradition humaniste où les premiers livres imprimés ont vu le jour, où la bibliothèque universitaire a été fondée en 1460, elle tient, de nos jours, le haut du pavé en matière de documentation scientifique, mais également d’archivage avec les grands groupes pharmaceutiques, tel Novartis. D’autre part, la richesse artistique de Bâle n’est plus à démontrer : fondations, musées, foires d’art contemporain et expositions attirent des milliers de visiteurs chaque année (http://www.mybasel.ch/freizeit_kulturell.cfm). Ainsi, Bâle est représentative des grandes tendances actuelles qui touchent les métiers de l’information où bibliothèques, documentation, musées et archives se côtoient de près et partagent des méthodes et techniques équivalentes.

La coopération est illustrée notamment dans le domaine scientifique. EUCOR, sigle de la Confédération Européenne des Universités du Rhin supérieur, réunit sur un même site Internet (http://www.ub.uni-freiburg.de/eucor/bib/) les ressources documentaires des villes de Bâle en Suisse, Freiburg et Karlsruhe en Allemagne, Mulhouse et Strasbourg en France, soit une cinquantaine de bibliothèques spécialisées : un catalogue commun trilingue (allemand, français, anglais), des échanges de documents facilités pour les usagers, des offres de prestations multiples montrent les avantages d’une coopération réussie, qui ne va pas bien sûr, sans problème (d’organisation ou d’ordre technique). De manière générale, la coopération n’est pas un thème étranger à la Suisse : depuis plus d’une vingtaine d’années, deux grands réseaux bibliothéconomiques coexistent, IDS pour la Suisse allemande (http://www.zb3.unizh.ch/ids/) et le Réseau des bibliothèques de Suisse occidentale (RERO : http://www.rero.ch) pour la Suisse francophone. La barrière linguistique est une des explications quant à l’existence de deux grands réseaux suisses qui utilisent des systèmes informatiques différents (respectivement ALEPH et VIRTUA), mais avec des prestations quasiment équivalentes pour le public. En termes d’échanges et de relations internationales, la Suisse est également bien présente : après la tenue du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI - http://www.unige.ch/biblio/ses/IFLA/slir00.html) en 2003 à Genève, les bibliothécaires suisses ont réussi leur pari d’une plus grande implication de l’IFLA (International Federation of Libraries Associations and Institutions – http://www.ifla.org) dans les débats actuels sur la société de l’information. Celle-ci sera présente au Sommet de Tunis et organise un pré-sommet à la Bibliothèque d’Alexandrie en Egypte (http://www.bibalex.org/wsisalex/). Un autre exemple en terme de coopération est l’échange facilité entre professionnels de l’information en Europe (avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne) ou les Etats-Unis.

Parmi les thèmes proposés, celui de la numérisation fut bien évidemment un des plus discutés, dans le contexte des annonces faites par le moteur de recherche Google. Les bibliothèques suisses se positionnent et ce, dans une dynamique européenne. La Suisse est membre, par l’intermédiaire de la Bibliothèque nationale, de la Conférence des bibliothèques nationales européennes (CENL) qui suit les travaux concernant la bibliothèque numérique européenne. Le mouvement de la numérisation demande à être impulsé et coordonné en Suisse même si des initiatives intéressantes existent : citons E-Helvetica de la Bibliothèque nationale suisse (http://www.e-helvetica.admin.ch/) qui a pour but de créer les conditions permettant de collecter, d’inventorier, de mettre à disposition et de conserver à long terme les Helvetica (c’est ainsi que sont désignés les ouvrages et documents publiés en Suisse) sous forme électronique et de développer un système d’archivage pour les publications électroniques. La durée du projet est estimée à 6 ans (2001-2006). Ensuite, l’archivage des publications électroniques devrait pouvoir entrer dans sa phase d’exploitation. Le projet RERO Doc (http://doc.rero.ch/) lancé par le Réseau des bibliothèques de suisse occidentale est dans sa phase de développement : livres, thèses, journaux, preprints (soit 2200 documents) sont proposés en ligne. D’autres initiatives existent : le Consortium suisse permet aux universités d’accéder à des périodiques électroniques (http://lib.consortium.ch/) ; le projet Memoriav vise à préserver et numériser le patrimoine ausiovisuel suisse (http://www.memoriav.ch) ; la collection SwissPosters (http://posters.snl.ch/cgi-bin/gw/chameleon?lng=fr-ch&skin=posters), parrainé par Memoriav, comprend des affiches créées par des graphistes suisses et étrangers.

La coopération intègre également le thème de la formation des jeunes professionnels, thème exploré pendant la conférence. Le système suisse s’avère assez complexe : une délégation à la formation I+D a été créée (http://www.bda-aid.ch/) qui rassemble les trois associations des bibliothécaires, documentalistes et archivistes. Plusieurs niveaux de formation existent : assistant I+D ; spécialiste I+D et des études dites « postgrades » qui s’apparentent à un niveau universitaire, mais n’en ont pas la reconnaissance, ce qui pénalise quelque peu la profession (pour les différentes formations existantes, voir le site : http://www.formation-aid.ch/) . Les niveaux master et doctorat sont en cours de discussion actuellement. Sur le modèle allemand, de nombreuses années d’apprentissage (trois années généralement) sont demandées à l’étudiant avant qu’il n’entre véritablement dans la vie active : ce point fut critiqué à Bâle, notamment par les étudiants de la Haute école de Genève, dans la mesure où le temps d’entrée dans la vie active est prolongé. L’apprentissage, tout en étant rémunéré, est une pratique originale à la Suisse qui présente l’avantage de donner une bonne vision du milieu professionnel aux étudiants et d’être en mesure de faire les bons choix par la suite. La plupart des grandes bibliothèques accueillent des apprentis, notamment la Bibliothèque nationale suisse à Berne (http://www.snl.admin.ch/f/aktuell/index.htm). Encadré par un ou plusieurs professionnels, l’étudiant effectue des stages de plusieurs mois dans chaque service. Qu’en est-il du marché de l’emploi des jeunes diplômés ? La saturation actuelle du marché de l’emploi offre peu de débouchés aux francophones. La Suisse allemande semble bénéficier d’une situation plus favorable, les bassins d’emplois que constituent les villes de Zürich et Bâle n’étant pas négligeables. Le congrès de Bâle fut également l’occasion de visiter aussi bien les fonds historiques de l’Université de Bâle – dont beaucoup furent imprimés à Bâle et qui témoignent du dynamisme intellectuel de cette ville - que de nouvelles réalisations telle la bibliothèque cantonale de Liestal (http://www.kbbl.ch/) : les architectes ont redessiné les espaces intérieurs, la couleur jaune étant prédominante et le libre accès aux collections est généralisé. Le meilleur exemple de continuité a été donné lors de la visite historique : bénéficiant du dépôt légal, la bibliothèque universitaire reçoit les publications d’un éditeur bâlois depuis plus de 500 ans, fait assez rare pour être noté.

 

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