International

2005 - IFLA Oslo (Norvège)

Un développement francophone 

Archimag, oct. 2005, n° 188, pp. 16-17.

Conférence aux multiples facettes, à l’image qu’offre actuellement le monde des bibliothèques, la 71ème Conférence mondiale des bibliothèques et de l’information (IFLA) qui s’est tenue à Oslo du 14 au 18 août dernier n’a pas démenti sa réputation de manifestation géante : plus de 3000 participants, 160 conférences (dont une grande partie est traduite en français : http://www.cfifla.asso.fr/conferences/oslo/indexoslo.htm), 150 pays représentés… Parmi les thèmes émergents, citons un développement conséquent de la francophonie, la notion de « savoirs indigènes », la liberté d’information, le e-learning qui a tendance à supplanter le concept de bibliothèque, le knowledge management ou les prestations en ligne offertes aux usagers, le mouvement Open Source. Une brève rencontre avec le président de l’IFLA, Alex Byrne (Université de technologie de Sydney, Australie) permet de comprendre sa vision actuelle et future du monde de l’information. Il succède à Kay Raseroka (Directrice des services des bibliothèques, Université du Botswana) qui fut la première présidente jamais élue du continent africain et a reçu un hommage appuyé et très mérité de son action au sein de l’IFLA.

Les conférences annuelles de l’IFLA sont un excellent moyen pour comprendre les évolutions de notre métier. Malgré des thématiques nombreuses (plus de 45 sections présentent leurs programmes de conférences, sans compter les ateliers de travail et les rencontres pré ou post IFLA), les changements d’une année sur l’autre sont visibles : à l’évidence, la technologie fait avancer de manière spectaculaire ce que les professionnels de l’information peuvent offrir à leurs usagers, tout en obligeant à reconsidérer des points tels que l’accès à l’information, le droit de l’information, la numérisation et l’archivage des données. La réflexion se porte également fortement vers la formation à l’information (Information Literacy).

Les bibliothèques se transformeraient-elles en centres de e-learning ? C’est la question qui se pose avec la nouvelle bibliothèque de l’Ecole norvégienne de management (http://www.bi.no/templates/bibliotek____14379.aspx) qui a inauguré ses locaux début août pour accueillir 8000 étudiants. Hormis des proportions impressionnantes (6500 m2 sur 2 étages), de vastes collections et espaces de lecture mis à disposition, l’étudiant peut consulter à distance des périodiques électroniques, réserver des documents, être informé par email ou SMS. Il dispose d’un guichet virtuel d’information « Ask a librarian » pour des questions ponctuelles et peut « réserver » un bibliothécaire (Book a librarian) pour l’aider dans ses recherches. Prêt et retour des documents sont entièrement automatisés et l’accent est mis sur l’information actuelle avec un « jardin des périodiques » (Newspapers Garden) qui se veut un espace ouvert de consultation de l’actualité.

Plusieurs conférences ou ateliers de travail dans des domaines différents (allant de la section Technologies de l’information à celle de Médecine-Santé) traitèrent de l’Open Source. Ce phénomène se développe et touche de près les bibliothèques, notamment universitaires. L’Open Source concerne les logiciels libres qui permettent de gérer les archives ouvertes contenant des écrits de chercheurs, d’universitaires, d’enseignants. Les bibliothécaires universitaires suivent de bout en bout le dépôt de ces documents, utilisent les métadonnées pour l’indexation, créent des relations étroites avec les auteurs. Au Japon, 268 bibliothèques universitaires utilisent le logiciel libre D-Space pour alimenter les 35 dépots institutionnels en place actuellement.

Le partage du savoir est aussi un thème prédominant qui apparaît au travers de conférences consacrées au Knowledge Management, à la société de l’informaton ou aux « savoirs indigènes ». La notion de culture dans le partage du savoir s’affirme de plus en plus, les échanges informels prenant alors plus d’importance qu’un savoir formalisé : c’est le cas des « savoirs indigènes » expliqués par Ole Henrik Magga, professeur de linguistique au Saami University College en Norvège, dans un exposé passionnant basé sur les traditions orales dans des cultures peu ou pas connues, telles celles des peuples Inuit et Sami. Acquis au fur et mesure d’expériences et d’essais menés pendant des générations, le savoir indigène est beaucoup plus ancien que les méthodes occidentales d’acquisition du savoir. Historiquement, il se situe aux racines de tout savoir. Tourné vers l’humain, le rôle et la position de l’homme sont pris en compte comme faisant partie d’un tout. Il existe des classifications dans ce type de savoir où un mot n’a pas le même sens selon le contexte dans lequel il est employé. Cela rejoint les préoccupations actuelles du Knowledge Management dont une branche de recherche s’oriente vers la taxonomie, le Content Management et l’organisation du savoir en général.

L’accès à l’information et au savoir découle du thème précédent, et c’est un des points forts sur lequel l’IFLA travaille en ce moment avec, en corollaire, la mise en place de la société de l’information. Dans un communiqué de l’IFLA en date du 16 août, il est fait mention de l’élaboration en cours d’un « traité sur l’accès à la connaissance » par l’OMPI, traité que la Fédération internationale des bibliothèques et eIFL (Electronic Information for Libraries) appuient fortement. Le rapport 2005 sur la liberté intellectuelle et les bibliothèques (intitulé « Bibliothèques, sécurité nationale, liberté d’information, responsabilités juridiques et sociales ») a été présenté lors de la Conférence : il relève la précarité de la liberté intellectuelle dans de nombreuses régions du monde et les efforts continus des bibliothèques pour offrir l’accès à l’information à leurs usagers. La fracture numérique est bien présente en Afrique et en Asie. La sécurité informatique s’est améliorée, mais les effets de la législation anti-terroriste adoptée dans certains pays (Etats-Unis, Pays-Bas ou Syrie) ont des conséquences non négligeables sur l’accès à l’information. Censure, restrictions à la liberté de la presse, pressions gouvernementales et surveillance d’Internet sont le fait de nombreux pays (Chine, Egypte, Italie, Népal, Ouzbékistan…).

Depuis quelques années, le monde francophone de l’IFLA prend des initiatives intéressantes pour que la langue française ne soit plus en perte de vitesse à l’IFLA. Une Association internationale des bibliothécaires et documentalistes francophones vient de voir le jour (http://bibliodoc.francophonie.org/) et devrait prendre son essor à partir de 2006. Un cédérom des textes français à l’IFLA a été distribué, de nombreuses conférences ont été traduites et l’IFLA Express (quoitidien de la Conférence) continue à être traduit grâce à des étudiants de l’Enssib.

Interview d’Alex Byrne, président de l’IFLA

Archimag : Alex Byrne, vous êtes le nouveau président élu de l’IFLA, vous succédez à Kay Raseroka, quels sont pour vous les points forts des métiers de l’information à l’heure actuelle ?

Alex Byrne : La prise de conscience par les professionnels de leur rôle à jouer dans la société de l’information est certainement plus forte. La Conférence d’Oslo montre bien les questions posées par l’accès à l’information pour tous dans certains pays du monde. D’autre part, à l’heure où les technologies de l’information sont prépondérantes, la fracture numérique n’en est que plus apparente. Les bibliothécaires peuvent aider à combler cette fracture.

Archimag : Quelle est la position de l’IFLA, quel rôle joue la Fédération par rapport à ces questions ?

Alex Byrne : L’IFLA joue un rôle prépondérant dans la préparation du Sommet mondial de la société de l’information. Elle est plus proactive que jamais dans ses contacts avec les politiques et les décideurs, elle noue des alliances et des accords avec d’autres organisations internationales, elle défend la profession au niveau le plus élevé.

Archimag : Vous avez 50 ans, êtes Australien et travaillez depuis plus de 20 ans dans les bibliothèques. Que diriez-vous à un jeune professionnel ?

Alex Byrne : Il faut s’adapter, évoluer, proposer des innovations, collaborer et coopérer avec des professions proches. Le monde de l’information comprend encore beaucoup de zones à inventorier, à explorer. L’avenir est à ceux qui veulent le prendre à bras le corps.

 

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