International
2008 - IFLA Québec (Canada)
"Bibliothèques sans frontières"
En 2008, Québec fête ses 400 ans et accueille la 74ème Conférence annuelle de l'IFLA : moment attendu par les 3500 délégués (dont une vingtaine de Suisses) venus de 150 pays différents, ce rendez-vous mondial des professionnels de l'information représente une opportunité unique de voir quelles sont les grandes tendances actuelles en matière d'accès à l'information, de technologies ou de recherche d'information. La convergence - déjà signalée lors de précédents congrès - ne fait que s'accentuer : bibliothèques, services de documentation et d'archives, musées travaillent conjointement pour la mise en commun de leurs ressources, avec par exemple les projets de numérisation qui se développent dans un grand nombre de pays. Cette convergence des intérêts se vérifie aussi dans le programme des conférences de l'IFLA qui propose de nombreuses sessions organisées conjointement par deux voire trois sections différentes (ce qui était moins le cas auparavant) : la nécessité de traiter en commun d'un thème unique, vu sous plusieurs angles, est une tendance actuelle très nette. Cela se vérifie également au niveau des pays : fusion d'associations nationales (c'est le cas en Suisse avec la nouvelle association BIS) ; création d'organisme fédérateur (en Allemagne avec DIB ; en Grande-Bretagne avec CILIP) ; agrégation de services d'archives et bibliothèques nationaux (au Canada, avec la BAnQ - Bibliothèque et Archives nationales du Québec)... Nos professions, parfois séparées, se retrouvent donc autour d'une communauté d'intérêts convergents, mouvement accentué par les technologies : les préoccupations sont identiques, autour de projets ou d'initiatives qui ne peuvent avancer que grâce à une mise en commun des moyens et des ressources (tel Europeana, http://www.europeana.org/ ).
Le poids actuel des moteurs de recherche, le mouvement des archives ouvertes, le développement des logiciels libres posent une question essentielle à nos métiers sur leur utilité dans l'avenir : même si des institutions d'envergure nationale semblent être peu remises en cause, les petites et moyennes structures luttent pour exister. La visibilité sur le Net est donc un point essentiel à améliorer et les bibliothèques multiplient les initiatives en la matière, notamment par l'emploi intensif des technologies du Web 2.0 et des techniques du marketing : loin d'être anecdotique, cette tendance montre une volonté de garder le lien avec l'utilisateur où qu'il soit, et surtout sur Internet. Les services de référence virtuels sont un exemple : l'aspect collaboratif permet d'étendre le service au niveau d'une région ou d'un pays avec des partenariats entre différentes bibliothèques (la mise en place d'un réseau francophone virtuel par la BnF, FrancoQuest, est une illustration). Il engendre la mutualisation de ressources jusque-là méconnues et une meilleure reconnaissance des compétences en recherche d'information. Le E-Learning, l'Information Literacy sont d'autres applications : l'exemple de CALIS de l'Université de Genève (http://www.unige.ch/biblio/ses/calis/index.html) est un exemple probant de formation à l'information. Même s'il parait difficile à l'heure actuelle d'avoir une vue exacte de l'influence de nos métiers dans le monde de l'information, force est de constater que bibliothèques, services de documentation et d'archives luttent de concert pour s'adapter à ce nouveau monde numérique et ne pas perdre la relation de service avec l'utilisateur.
Le Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI), devenu une des actions prioritaires de l'IFLA, constitue un excellent moyen de faire du lobbying pour nos professions auprès du monde politique. Processus en cours, le SMSI est une suite d'initiatives individuelles ou communes qui associe pays du Nord et pays du Sud dans une volonté de rendre plus aisé l'accès à l'information pour tous. La simple consultation de la base de données IFLA Success Stories (http://www.ifla.org/success-stories/ ) montre la diversité et la richesse des actions possibles. Même si beaucoup reste à faire, les professionnels de l'information doivent se sentir concernés par le SMSI qui parait nébuleux pour bon nombre.
Une autre grande question actuelle est la disparition éventuelle du lieu physique de la bibliothèque au profit du monde virtuel : les deux sont-ils dissociés ou complémentaires ? La création ou la restructuration d'institutions de plus ou moins grande envergure est un fait notable : la Grande bibliothèque de Montréal (http://www.banq.qc.ca/ ), la Bibliothèque publique d'Amsterdam (http://www.oba.nl/ ) - la plus grande d'Europe avec 28 000 m2, le prochain Rolex Learning Centre de l'Ecole polytechnique fédérale à Lausanne (http://learningcenter.epfl.ch/ ) sont trois exemples parmi tant d'autres des efforts consacrés à la culture et à l'éducation, au moment où le monde virtuel prend un essor considérable. Second Life ne compte plus les bibliothèques présentes dans son InfoIsland (http://infoisland.org/ ) : selon les prévisions, d'ici une dizaine d'années, 80 % des internautes auront leur avatar sur Second Life. Une étude de février 2008 menée par l'Institute of Museum and Library Services (IMLS - http://www.interconnectionsreport.org/ ) auprès de 17 000 personnes montre que la consultation à distance ne se fait pas au détriment des consultations sur place : 91 % des personnes qui consultent les sites de bibliothèques se déplacent également. La consultation d'une source d'information n'élimine pas les autres, elle a même un effet stimulant et incite à recourir à d'autres sources. Enfin, l'utilisation des postes informatiques en bibliothèques n'affecte pas les services traditionnels, toujours utilisés. Plutôt que de disparition, il semble plutôt que la bibliothèque, lieu physique, doit exister aussi dans le monde virtuel.
Une autre tendance, enfin, est la diversification des prestations et services offerts : tout à la fois télécentre, learning centre, cybercafé, la bibliothèque physique prend toutes les initiatives pour attirer l'attention du public. A Londres, quatre « Idea Stores » ont vu le jour, nouveau concept où se rassemblent service d'information, loisirs divers et services aux usagers (http://www.ideastore.co.uk/ ). Les bibliothécaires américains de Radical Reference répondent aux questions d'utilisateurs lors de manifestations ou d'évènements publics qui se déroulent directement dans la rue : les transactions se font généralement par téléphone portable. « Radical Reference » offre également, par l'intermédiaire de son site (http://radicalreference.info/), un certain nombre de prestations, tels des formations ou un soutien à la recherche d'information pour les journalistes ou des mouvements associatifs. Le concept de « bibliothèque hors les murs » prend alors un nouveau visage.
Voici donc quelques grandes tendances notées lors de l'IFLA 2008 : se vérifieront-elles dans le futur ? La prochaine conférence de l'IFLA à Milan du 23 au 27 août 2009 devrait permettre de s'en assurer (http://www.ifla.org/IV/ifla75/index.htm).
JP Accart
Cop. Septembre 2008
Ce compte rendu est publié sur le site de Bibliothèque Information Suisse / Relations internationales: http://www.bbs.ch/documents/Compte_rendu_IFLA_2008.pdf
Photos, films et blogs sur l'IFLA 2008 : http://www.ifla.org/IV/ifla74/post-congress.htm
Voir également "Bibliothèques et innovations au Canada ", article de Claude trudel sur son blog Trouvailles
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