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2011 - Lire le monde comme un grand livre - Fort-de-France (Martinique)
Les 2èmes Assises de la lecture publique en Martinique avec Marie-Françoise Bernabé, Bulletin des Bibliothèques de France, 2011, n° 2, p. 93-94
Après une première édition en 2000, la seconde édition des Assises de la lecture publique en Martinique a eu lieu les 17 et 18 novembre 2010 à Fort-de-France, et une centaine de professionnels ont pu échanger autour du thème « Livres, multimédia et Internet : quels nouveaux enjeux pour les bibliothèques ? ». L'Association des bibliothèques publiques de Martinique (ABPM) et sa dynamique présidente Anique Sylvestre - en outre directrice de la Bibliothèque Schoelcher, la DRAC Martinique représentée par Mme Michèle Nardi, le Conseil général de la Martinique ainsi que la Région Martinique ont soutenu cette manifestation très attendue par les participants. En dix années, il est peu de dire que le paysage de l'information a changé, plongeant la profession de plain pied dans l'ère du numérique. Les bibliothèques en Martinique ont trente ans d'existence, et de nombreux projets sont en cours de réalisation.
Le professeur Jean Bernabe, linguiste et écrivain, a introduit de belle façon les Assises en mentionnant la bibliothèque comme « outil d'ingénierie sociale, permettant de mieux vivre ensemble » : la mondialisation est vue comme une mise en relation des individus où l'on parle de culture, de civilisation et civilité. Les Antilles sont un carrefour entre l'Europe, l'Afrique, l'Orient, le Levant où la question de l'identité se pose. Il faut « apprendre à lire le monde, qui est un grand livre ». La bibliothèque est devenue « transculturelle ». Michèle Nardi /DRAC) souligne quant à elle, avec une vigueur semble-t-il coutumière, l'importance de ces Assises qui rassemblent les différents acteurs du livre, permettant de décloisonner les territoires et les métiers. Elle rappelle, notamment, les 14 mesures pour la lecture édictées par Frédéric Mitterand, ministre de la Culture. Les passionnantes interventions d'Anne-Laure Collomb, responsable du « Guichet du savoir » à la bibliothèque de la Part Dieu, à Lyon, et de Jean-Philippe Accart, de l'Université de Genève, présentent deux types de service de références en ligne, dont les performances sont essentielles à l'image de la bibliothèque. Les réactions des participants démontrent l'utilité pour la Martinique des pistes dégagées.
Au niveau de la Martinique, le mariage réussi entre Cyberbase et bibliothèque municipale de Rivière-Salée offre un exemple de collaboration intelligente entre deux services municipaux pour offrir Internet au plus grand nombre. Le projet RIBINO (Réseau Informatisé des Bibliothèques du Nord), mené sans réelle implication des bibliothèques concernées et non abouti depuis des années, permet en contrepoint, de mesurer les effets néfastes d'une gestion technocratique. Béa Bazile, directrice de la BDP de Guadeloupe, expose un bilan très documenté de la mise en application du Plan Développement Lecture signé il y a une quinzaine d'années entre Conseil Régional, Conseil Général et DRAC : toutes les communes guadeloupéennes, à une exception près, participent au réseau informatique de la BDP. Le Portail Documentaire Guadeloupéen, incluant toutes les bibliothèques, y compris universitaires, est pour bientôt. Simone Marie-Rose, directrice de la BDP Martinique, détaille le plan départemental de lecture publique en Martinique, voté et appliqué depuis deux ans. Le débat suggère la nécessité d'un dialogue prenant en compte l'existant et cherchant des solutions pour le faire évoluer au mieux, entre l'ensemble des élus et leurs bibliothèques.
M. Marcellin Nadeau, président de la Commission Culture du département, évoque les principales dispositions prises pour la lecture publique, véritable enjeu pour la solidarité. Il rappelle que la population en Martinique (soit 402 000 habitants) compte un peu plus de 15 % d'illettrés (9% en métropole) : l'objectif visé est bien entendu la réduction dans les 5 ans de ce chiffre. Sont ensuite mentionnés les contrats territoires-lecture qui sont de véritables partenariats entre les différents acteurs de la lecture. À sa suite, Myriam Sangre détaille les raisons qui font que la Martinique déplore un pourcentage qui est presque le double de la moyenne nationale. Raoul Maran, évoquant les grandes lignes du plan académique, rend compte de la riche expérience « programme parler », menée dans les communes du Marin, du François et de Saint-Pierre et intégrée dans le Plan Régional d'Action 2011-2013.
La table ronde sur l'édition, la diffusion et la distribution du livre aux Antilles, objet d'un débat passionné entre auteurs, éditeurs, libraires, diffuseurs, réunis autour d'Arlette Pacquit, journaliste, a montré l'acuité du problème en Martinique, pays de très grande production desservie par une médiocre diffusion et menacée de tomber partiellement dans l'oubli, faute de réédition. Tous les handicaps répertoriés amènent le débat sur le projet d'Agence Régionale du Livre, pour lequel, depuis trois ans, Madame Nardi, de la DRAC, a constitué un groupe de travail. À ce sujet, Yvette Gallot, représentante du Conseil Régional, précise l'état de la réflexion des élus, soucieux de soutenir la production locale du livre comme facteur de promotion des langues et cultures créoles
Les premières assises avaient établi un constat général de carence en matière de mètres carrés de bibliothèque, de formations initiale et continue des personnels, de chiffres fiables, et surtout de volonté politique affirmée. Dix ans après, le déficit a été pratiquement comblé en Martinique. Dans sa conclusion, au terme d'une journée et demie intense de travaux, Anique Sylvestre insiste avec raison sur l'ampleur des tâches à venir, forcément tributaires d'une collaboration améliorée des différents acteurs. Un constat final : de notables progrès accomplis, une feuille de route et des projets émergents, propres à améliorer le « mieux vivre ensemble » de la population martiniquaise.
Dernière demi-journée dédiée à la situation du livre et de la lecture en Haïti : Erik Toussaint, ingénieur en sciences de l'information, en charge de la gestion de trente bibliothèques de proximité, expose le Plan d'Action post-séisme à court, moyen et long terme élaboré par les professionnels. Alice Gradel, conservateur, adjointe au directeur du SCD lance la discussion en présentant les actions concrètes de collaboration entre SCD, BSF et Haïti, et pose la délicate question du don de livres.
Marie-Françoise Bernabe
Jean-Philippe Accart
cop. 2012
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