L'hôpital
(1995) - L'information médicale à l'heure européenne
Revue de l'Infirmière, 1995, n° 5, pp. 11-13
L’échange de données informatisées (EDI) dans le monde de la santé est un impératif. Ce que nous faisons localement devait s’inscrire naturellement dans un cadre général et bien évidemment européen.
Le souci majeur des différents acteurs dans le milieu de la santé, qu’il s’agisse des personnels soignants ou des gestionnaires, est d’améliorer la qualité et les coûts des soins pour l’ensemble de la population. Certaines tentatives sont en cours et à titre d’exemple on peut citer :
- La Carte santé : elle vise à identifier les patients afin de mieux connaître leur situation administrative vis à vis des régimes d’assurance maladie, leurs antécédents médicaux ainsi que le mode de thérapie pour certaines maladies chroniques.
- Les réseaux qui acheminent des informations médicales entre professionnels de santé (diagnostics, images...), ou administratives (demande de remboursement dans le cadre du tiers-payant, accord de prise en charge...).
Lorsque ces applications seront véritablement opérationnelles, il sera nécessaire qu’elles soient comprises par les différents interlocuteurs. Définir des normes s’avère donc essentiel afin d’échanger des informations. La non-normalisation entraînerait forcément des coûts importants, des pertes de temps et d’énergie, et des erreurs très dommageables en matière de santé.
Quelques chiffres sur la santé en Europe
L’Europe de la santé en chiffres donne les résultats suivants : 300 000 médecins exercent dans l’Union Européenne et 15 000 hôpitaux sont dotés de plus de 3 millions de lits. La santé est appelé à devenir l’élément n° 1 des dépenses publiques en représentant 5 à 10 % du PNB (produit national brut) des payes de l’Union. Elle recouvre une multitude de partenaires qui dispensent les soins, fabriquent les matériels, élaborent les médicaments, gèrent les prestations sociales...
Dès à présent nous nous trouvons confrontés à :
- la complexité croissante des technologies médicales,
- l’introduction sur les marchés de nouvelles spécialités pharmaceutiques,
- la généralisation de la prévention médicale, de l’allongement des traitements, de la longévité et de ses conséquences,
- la multiplicité des systèmes de financement,
- des mouvements migratoires dans l’espace économique européen,
- la nécessité de continuer à offrir aux patients de demain les mêmes prestations qu’aujourd’hui. Le volume des informations devant être traité est important, les sources sont multiples et le rythme des échanges ne peut que s’amplifier.
La complexité de l’information médicale
L’information médicale, qu’elle concerne un produit, une procédure et surtout un malade, est constituée d’un ensemble de documents dont il faut assurer la communicabilité et la durabilité. Ces documents d’origine et de nature très diverses vont devoir être définis d’une façon précise et incontestable.
Par ailleurs dans certains cas l’efficacité médicale est liée à une coordination rapide entre différentes équipes (pose d’un diagnostique, décision thérapeutique, suivi d’une évolution...). Par exemple, dans le cas du traitement du cancer, il est reconnu que c’est l’association des diverses techniques et la concertation des équipes qui sont un facteur essentiel des succès. Cette coopération se traduit évidemment par des échanges d’informations.
Comment traiter cet énorme volume d’informations au niveau européen, le rendre cohérent et harmonieux ? La nécessité de communication s’accompagne désormais en santé, comme dans la plupart des activités humaines, du respect des procédures et protocoles, de l’organisation des communications et des échanges dans le cadre d’une activité ou d’un projet. En d’autres termes ceci veut dire que le traitement de l’information de santé exige un processus normatif.
Comment rendre clair, net et précis un échange d’information sur des sujets divers sans en avoir cerné le vocabulaire et admis quelques consensus en matière de définition ? Que veut dire pour les uns ET les autres « unité de soins », « unité technique », « protocole de soin » ... ? On ne peut comparer que ce qui est comparable !
Une question épineuse : l’identification des personnes
Les systèmes d’échange informatisés dans le secteur socio-sanitaire exigent que les personnes (assurés, bénéficiaires, malades) soient clairement identifiées. Cependant, cette identification n’existe pas à l’heure actuelle, car les difficultés pratiques sont nombreuses pour identifier les patients et les sortants d’une population quelle qu’elle soit : naissance, décès, changements de statuts, mouvements divers… En dehors des problèmes posés par les patronymes et les adresses (redondances, changements, ambiguïtés, vérification), une contrainte fondamentale est de respecter la protection de la personne (régie en France par la loi Informatique et Libertés).
Pour pallier cette difficulté la norme internationale NAD (nom et adresse) se complète d’un nouvel élément PID (personal identification details). La Caisse nationale d’assurance maladie, la Direction des hôpitaux, des mutuelles et l’Assistance publique de Paris, Lyon et Marseille travaillent sur ce dossier.
A nouveaux procédés, nouvelles structures et dénominations
EDI : Echanges de données informatisées
EMEDI (European Medical Electronic Data Interchange) : Groupe d’utilisateurs de l’EDI dans le monde européen de la santé, créé en 1990. Ce groupe dont le président est le Docteur Réginald Allouche, directeur de l’équipement et du système d’information de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris [1] tient des réunions annuelles et la dernière a eu lieu à Paris en mai 1994.
EDISANTE : association EDI pour la France. EDISANTE a toute possibilité de mettre en place des groupes de travail et de désigner un expert-rapporteur. Celui-ci établit un document avec des propositions, des solutions et des actions soumis aux organismes nationaux, puis aux institutions internationales de normalisation.
EDIFACT : Echange de données informatisées pour l’administration, le commerce, le transport : d’envergure internationale, mis en place par L’ONU et avec pour objectifs :
- La promotion des échanges informatisés dans le système socio-sanitaire,
- la définition et l’adoption des normes pour les messages.
Q’entend-on par message ?
Un message résulte de l’action de codifier un texte, un résultat en chiffres et/ou en lettres. A titre d’exemples : les messages liés au remboursements par les mutuelles, aux demandes et résultats d’examens biologiques, aux achats de produits pharmaceutiques et médicaux, aux échanges entre hôpitaux publiques et comptabilité publique, etc.
Quelle sorte de message ?
La première tâche du groupe EMEDI a porté sur la comparaison de messages internationaux :
- En Finlande, dans le contexte des laboratoires,
- en France, dans le cadre du projet Edipharm (échanges hôpitaux/fournisseurs),
- aux Pays-Bas, les informations concernant les diagnostics entre généralistes/spécialistes,
- en Norvège, les résultats d’analyses de laboratoires.
Cinq messages EDIFACT/ONU ont gravi le premier échelon du processus de normalisation :
- MEDPID : précisions sur l’identification d’un patient,
- MEDPRE : ordonnance médicale (d’un prescripteur à une officine par exemple),
- MEDREQ : demande et résultats d’analyses de laboratoire,
- MEDRUC : utilisation/coût des prestations médicales.
- le projet de pharmacovigilance mené dans le cadre du programme « CARE » d’ENS (European Nervous System) auquel participent l’Espagne, la France et le Royaume-Uni,
- la Carte santé,
- les identifications dans les systèmes d’information des hôpitaux (mené par la Direction des hôpitaux),
- les échanges entre les entreprises et le secteur social, ainsi qu’entre les acteurs de la protection obligatoire et complémentaire.
L’exemple du CHU de Montpellier : un échange de données informatisée hôpital-mutuelle
Le CHU de Montpellier assure des prestations informatiques et organisationnelles pour l’ensemble des établissements hospitaliers publics de Montpellier avec la gestion des malades, du personnel et du matériel.
Depuis 1993, le CHU a modernisé ses moyens de communication (auparavant il faisait appel aux bandes magnétiques et aux documents papiers) avec les centres informatiques de régimes obligatoires en « télétransmettant » les informations par le réseau téléphonique. Des groupes de travail réunissant douze mutuelles et trois hôpitaux (Montpellier, Toulouse, Bordeaux) ont été mis en place afin de réfléchir sur différents types de messages : celui sur la prise en charge du malade a été validé, la prise en charge des frais d’hospitalisation et la facturation vont suivre prochainement.
Les conséquences économiques de la normalisation des échanges
Le resserrement des liens entre les acteurs de santé autour de projets, appuyés sur des outils techniques et un véritable support logistique informatisé, est donc un élément essentiel en ce qui concerne l’objectif central du système : soigner.
Ces outils nouveaux d’organisation et d’information devraient aussi permettre au système de soins de mieux satisfaire aux contraintes économiques et de contrôle de gestion qui s’imposent désormais à lui. Par la réduction des délais et la bonne coordination des acteurs, les projets en cours seront un élément important de la maîtrise des dépenses de santé.
Références
BASSET N., PAQUEL N. EDISANTE : les enjeux. EDISANTE Bulletin d’échanges de l’Association, 1993, mai-juin, n° 1, p. 3-6.
EDIFACTS. UN/EDIFACTS News for Europe, 1994, jan.
GOSSE J. EDI hôpitaux-mutuelles. EDISANTE Bulletin d’échanges de l’Association, 1994, jan 1993-dec 1994, n° 3, p. 5-6.
KIEHL G. Les dangers de la normalisation dans le milieu de la santé. EDISANTE Bulletin d’échanges de l’Association, 1994, jan 1993-dec 1994, n° 3, p. 3-5.
Lexique
- EDI : Electronic Data Interchange. Service d’échanges de données électroniques qui remplace les documents papier.
- Norme : donnée de référence résultant d’un choix collectif raisonné en vue de servir de base d’entente pour la solution de problèmes répétitifs (définition de l’Association française de normalisation – l’AFNOR).
- Réseaux : désigne un ou des réseaux électroniques dits « large bande », seuls à même d’assurer la distribution de services audiovisuels, télématiques ou informatiques aux particuliers, entreprises, universités, centres de recherche, hôpitaux, etc.
- Protocole : ensemble de règles qui déterminent la communication entre ordinateurs (ex. X25, X400, X500, TCP/IP).
Notes
1 : EMEDI – European Medical Electronic Data Interchange, c/o Assistance Publique-Hôpitaux de Paris – DESI – Service Interface, 3 avenue Victoria, 75100 PARIS RP. Tel. : (1) 40 27 56 90. Fax : (1) 40 27 41 75.
cop. JP Accart, 2007
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