L'information santé
(1994) - L'information biomédicale au futur.
Techniques hospitalières, 1994, 582, mars, pp. 20-22.
L'information en chiffres et l'explosion des nouvelles technologies
Pour citer quelques chiffres probants en termes d'édition papier, prenons différentes sources : l'Ulrich's Periodicals Directory, dans sa 31ème édition (1992/93), dénombre 126 000 titres de périodiques existants. The Serials Directory (EBSCO) cite 20 millions d'articles publiés annuellement, soit 80 000 par jour ! . D'autre part, The Gale Directory of Databases, dans son édition de 1993, donne les chiffres suivants :
- 5183 banques de données existantes (en 1972, 30 banques)
- et 2204 producteurs de données (30 en 1972)
- d'autre part, 1200 titres de CDROM existent à l'heure actuelle.
En pourcentage, cela donne :
- en 1972, 83 % de BDD scientifiques et techniques et 15 % juridiques et économiques
- en 1990, 35 % BDD sc et techn., 45 % BDD jur. et éco., 15 social et actualités
Le marché européen est largement dominé par les services américains (à la fois, en chiffres d'affaires et en produits proposés) :
- USA : 58 % des BDD existantes
- Europe, 34, 6 %
- France : 12 % de la production européenne
Il apparait donc clairement que l'on assiste à une explosion de l'information, que ce soit sous la forme de documents primaires ou que ceux-ci soient traités et indexés, d'où la multiplication des banques de données. Comment accéder à cette information ? : réseaux de télécommunication, satellites, nouvelles technologies type CDROM ou disque optique numérique (DON), disque inscriptible (WORM), digitalisation, numérisation, forme électronique, périodique consultable en plein texte, fibres optiques, compression de données, toutes ces nouvelles donnes technologiques bouleversent totalement l'accès et la fourniture de l'information, et plus particulièrement l'information biomédicale.
D'autres parallèles sont à prendre en considération :
- la montée en puissance des ordinateurs personnels dont les prix baissent et la capacité en mémoire augmente.
- de plus, les compagnies traditionnelles de téléphone travaillent de plus en plus ensemble en vue de créer des réseaux internationaux : rapprochement récents de ATT et Macaw Cellular aux Etats-Unis, British Telecom et MCI en Grande-Bretagne.
- les logiciels permettant d'avoir un standard international pour les publications se développent. Un des plus récents est ADOBE ACROBAT.
Le rôle des bibliothèques médicales
L'équipement des bibliothèques médicales en nouvelles technologies est très inégal selon les pays et les continents. En France, les CDROM (Medline, PASCAL, Embase) s'implantent progressivement, surtout dans les bibliothèques universitaires et les bibliothèques hospitalières. Ce phénomène va aller en s'amplifiant. Aux Etats-Unis, 60% des bibliothèques médicales sont équipées en CDROM. Une autre technologie de pointe utilisée dans les bibliothèques médicales américaines est la scannérisation et la transmission des images de documents ainsi scannerisés. L'image est envoyée par ligne téléphonique : le receveur doit être équipé d'un logiciel spécifique, d'une imprimante laser et d'un ordinateur. Les bibliothèques utilisent le logiciel ARIEL, développé par The Research Libraries Group, qui compresse ou décompresse les images scannérisées afin de rendre la transmission plus rapide.
Les bibliothèques médicales restent cependant les principales utilisatrices des centres de fourniture de documents.
Les grands centres de fourniture de documents
Pour l'utilisateur final, en l'occurrence en ce qui concerne l'information biomédicale, le médecin, le chercheur ou l'étudiant, l'accès à cette information est primordiale ; il lui faut trouver des réponses précises et immédiates sur des points précis tels que :
- répondre à un problème posé par un malade
- soigner une pathologie particulière
- connaitre les interactions médicamenteuses
- être au courant de la littérature existant sur un sujet particulier
- rédiger une thèse, un mémoire, un article...
De plus en plus, le bibliothécaire médical est sollicité en vue de fournir une information valable et vérifiable, ainsi qu'une délivrance rapide de l'article demandé. La proportion du budget dévolu aux périodiques dans une bibliothèque universitaire est d'environ 70 %, mais avec la montée croissante du prix des abonnements, ce budget décroit de 3 et 4 % par an. Le recours aux grands centres de fournitures de documents est de plus en plus fréquents.
De grands centres de fourniture de documents ont été créés. En Europe :
- l'INIST-CNRS (Nancy)
- The British Library Document Supply Centre (BLDSC) soit 3, 4 millions d'articles fournis en 1991. Ce centre existe depuis une trentaine d'années.
- l' OCLC aux Etats-Unis
- et TIBDOC (Hanovre) parmi les principaux.
Des institutions, telles l'INIST à Nancy ou la Finnish Medical Association ont déjà misé sur le futur. D'autres projets, plus globaux, (le projet EDIL de la Communauté Economique Européenne) visent à ce que les grands centres de fourniture de documents collaborent.
L'exemple de l'INIST à Nancy
Les collections de l'INIST couvrent la littérature scientifique et technique, les rapports, les actes de congrès, soit un répertoire de 27000 titres de périodiques. Parmi ces titres, 2000 ont été choisis afin de mettre sur pied le projet de fourniture électronique de documents. Les documents sélectionnés sont systématiquement scannés en mode digital. Cette digitalisation, commencée en 1990, représente un volume de 2 millions de pages par an : les images sont stockées sur un disque WORM (6, 4 gigabyte), dont la capacité d'une face est de 70 000 pages. Un chargeur contenant 131 disques est relié à trois micro-ordinateurs : ceux-ci sont équipés de tableaux de télécommunication ; la transmission sur les réseaux de télécommunication est ainsi possible pour la délivrance des documents (pour la France, via NUMERIS).
L'INIST reçoit des demandes de documents par l'intermédiaire des grands serveurs (Questel, Dialog, Esa, ...) ou par le prêt interbibliothèque électronique (PEB ou OCLC) ou le Minitel. Les autres formes classiques de demandes de documents (fax, téléphone, formes papiers) sont également possibles. Si le document demandé est disponible sous format digital, il sera fourni par fax (Groupe III ou IV). Ce système n'entraine pratiquement pas d'intervention humaine. A l'heure actuelle, 45 % des documents fournis par l'INIST sont stockés sous forme électronique.
L'exemple finlandais : FINMET, réseau médical finnois
L'Association Médicale Finnoise (FMA) a créé depuis le milieu des années 1980 un réseau d'information appelé FINMET (sur le modèle américain AMANET) afin de répondre aux besoins de quelques 600 physiciens. Ce réseau utilise la messagerie électronique, ce qui permet rapidité et confidentialité, et donne la possibilité de communiquer individuellement ou avec un groupe de personnes, ainsi que des accès télématiques à différents services (bancaires, transports, d'actualité): ceci afin de faciliter les contacts entre physiciens. FINMET met ainsi à la portée de tout physicien et des bibliothèques universitaires hospitalières, les services de la FMA et des grandes banques de données biomédicales telle Medline.
Le projet EDIL de la Communauté Européenne
Le projet EDIL (Electronic Document Interchange between Libraries) a débuté en janvier 1993. Il doit rendre effectif l'échange de documents électroniques entre 4 réseaux européens de bibliothèques :
- le système PICA aux Pays-Bas
- le British Library Document Supply Center en Grande-Bretagne
- le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche en France
- l'UniversitätsBibliothek et le Technische InformationsBibliothek de Hanovre
Ce projet assurera à l'Europe un rôle majeur dans le développement du marché mondial de la fourniture de documents, marché qui doit considérablement s'amplifier dans les 20 années à venir.
Avec la crise économique, les bibliothèques cherchent des solutions et des alternatives à la fourniture de documents. Les moyens actuels de télécommunications et la technologie informatique permettent de transmettre l'information rapidement et à un coût raisonnable. Le prêt interbibliothèque s'est ainsi accru ces dernières années de façon irrépressible. On estime à 20 millions les documents fournis par le prêt interbibliothèque dans le monde.
Cependant, les éditeurs scientifiques réagissent et utilisent eux aussi les nouvelles technologies.
La réponse des éditeurs scientifiques
Les grands éditeurs scientifiques mondiaux ont cherché une réponse au problème de l'accès à l'information. La forme électronique du périodique scientifique (c'est-à-dire en plein texte, consultable en ligne ou sur CDROM) semble être la réponse la plus appopriée. Parmi les principaux éditeurs scientifiques mondiaux, on peut citer :
- Blacwell en Grande-Bretagne
- Cambridge Scientific Abstracts (Bethesda-USA)
- Elsevier (Amsterdam) qui développe en mode électronique la possibilité de consulter 400 périodiques 2 semaines avant la version imprimée.
- Springer-Verlag (Allemagne-USA) offre le même service via INTERNET sur 30 périodiques 6 semaines avant publication
- The Institute for Scientific Information (ISI) à Philadelphie
Les éditeurs scientifiques collaborent de plus en plus. Voici quelques exemples :
- BRS Information Technologies avec Comprehensive Core Medical Library (CCML) qui propose, en ligne, le texte intégral de 80 périodiques médicaux courants et 16 ouvrages de références, et permet, grâce à la procédure LINK, de passer automatiquement à Medline et Embase, banques de données bibliographiques.
- Depuis 1992, un nouveau venu américain est apparu en Europe : ce sont les fichiers médicaux de Mead Data qui proposent en ligne des produits très divers :
- le texte intégral de 14 périodiques depuis 1982
- le texte intégral de FDC Reports Newsletters : industrie pharmaceutique, équipement et matériel médical, cosmétiques, recherche, médicaments
- des banques de données telles DRUG INFORMATION FULLTEXT à partir de deux publications de l'American Society of Hospital Pharmacist ; PDQ en cancérologie ; Medline.
- les bases de données de Micromedex : Micromedex a créé depuis 1974 des BDD qui sont des instruments professionnels, des systèmes d'aide à la décision pour le médecin dans l'exercice de ses fonctions. La rédaction est assurée par plus de 350 experts, avec une équipe rédactionnelle interne et mise à jour tous les trimestres. Cela comprend :
- POISONDEX : BBD toxicologique
- EMERGINDEX, écrit par et pour les médecins ayant à pratiquer une médecine d'urgence et à surveiller des affections à risque, pour les aider à faire rapidement un diagnostic exact et procéder à un traitement efficace des patients en phase aigüe. La base est formée de deux fichiers : "Clinical Reviews" et "Clinical Abstracts" et s'interroge grâce à un thesaurus inspiré du Mesh.
- DRUGDEX donne des informations sur les médicaments, à l'intention des pharmaciens, médecins qui ont à prescrire.
Ces 3 bases (POISONDEX, EMERGINDEX, DRUGDEX) sont construites sur le même modèle rigoureux, très détaillé. Il est possible d'aller chercher directement à l'intérieur d'un texte sur une affection, un médicament. Des centaines d'hôpitaux américains utilisent ces bases depuis des années.
Un dernier exemple est celui de l'éditeur scientifique britannique Blackwell qui a créé depuis 1988 une "joint venture" avec CARL systems Inc afin de développer un produit UNCOVER à un niveau international. Il s'agit de délivrer en ligne le sommaire de 10 000 revues. Ce service est ouvert aux particuliers et aux bibliothèques. Le document choisi parmi ces sommaires peut être commandé en ligne ; il est faxé dans les 24h à un prix de 10 dollars. UNCOVER projette de couvrir 14 000 à 25 000 titres de revues. Cela représentera dans le futur une banque de données exhaustive s'adressant aussi bien à l'utilisateur lambda aux Etats-Unis, qu'en Europe et en Asie
L'information biomédicale au futur
Le futur de l'information biomédicale est donc dans la délivrance immédiate du texte intégral de l'article recherché soit sous forme électronique, soit grâce au CDROM, soit par l'accès en ligne. Et ceci directement sur l'ordinateur personnel du chercheur.
La meilleure forme (la plus employée à l'heure actuelle et qui le sera dans le futur) est la forme électronique via les grands réseaux de communications (INTERNET, satellites).
Les CDROM en texte intégral sont eux aussi de plus e
plus nombreux : la National Library of Medicine (USA) commercialise les principaux hebdomadaires en médecine (Lancet, New England Journal of Medicine, British Medical Journal, Annals of Internal Medicine) en texte intégral sur CDROM sur 5 années. Un autre exemple est ADONIS qui contient 500 périodiques biomédicaux (150 000 articles) provenant de 50 éditeurs.
Les éditeurs, dorénavant, proposent l'accès, non plus à une banque de données dans son intégralité, mais par spécialité (Gynécologie, Cardiologie etc..), avec également la possibilité d'accéder en ligne à une autre banque de données à partir d'un CDROM.
Pour l'accès en ligne, d'autres réalisations sont en cours : la société européenne INFOPRO a élaboré ORBIT, soit 10 banques de données scientifiques interrogeables simultanément. A Montpellier, le projet de l'Anté-serveur est développé : c'est un système autonome qui met l'utilisateur, par l'intermédiaire direct de son micro-ordinateur (PC, Macintosh) ou de son minitel, en contact avec l'ensemble des banques de données disponibles. L'utilisateur pose sa question, celle-ci est traduite par l'Anté-serveur (interface intelligente qui décrypte et analyse la question, interroge les banques de données) : la réponse peut provenir de plusieurs banques de données interrogées simultanément, en ligne et sur vidéotex.
L'avenir de la documentation médicale, de par les progrès réalisés par les nouvelles technologies, s'annoncent donc riche et prometteur. Il prend totalement en compte les souhaits de l'utilisateur final : l'utilisateur désire l'accès à l'information de quelque lieu où il se trouve et à n'importe quel moment. Le bibliothécaire doit lui fournir les moyens d'accès à cette information.
Bibliographie
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BOUCHEIX C. La Communication électronique dans les sciences biomédicales. INSERM Actualités, 1994, jan-fev., n° 122, pp. 12-14.
(2) COLAIANNI L.A. Document delivery : some considerations for the future. IFLA Barcelona 1993, booklet 2, 37-38.
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(5) FLEISH H. The View of an informed user on access to information in the future. IFLA Workshop, Thursday, August 26th 1993.
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(7) LUPOVICI C. New technologies for document deliveries at INIST. IFLA Workshop, Thursday, August 26th 1993.
cop. JP Accart, 2007
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