La Profession

(2004) - Le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) et les bibliothèques

Hors-Texte, mars 2004, n° 72, pp. 29-32.

Quelques dates à retenir et un premier bilan

Le Sommet mondial sur la société de l’information a clôt une année « bibliothéconomique » 2003 bien remplie pour tous les bibliothécaires suisses qui ont travaillé à sa préparation. Le volet bibliothèques du SMSI n’est cependant qu’une petite partie d’un ensemble complexe qui réunit des professions, organisations et associations rassemblées autour de la notion d’ « accès à l’information ». Cette notion a été largement débattue en décembre lors du SMSI lui-même et de nombreuses divergences sur son application sont apparues.

Mais revenons sur les dates-clés qui ont marquées 2003 en vue de la préparation du Sommet :

- Août 2002 : lors du congrès annuel de l’IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions) à Glasgow, la candidature de Genève n’ayant pas été retenue pour 2007, un noyau de bibliothécaires suisses se mobilise et propose aux instances dirigeantes de l’IFLA d’organiser un pré-sommet consacré aux bibliothèques en novembre 2003 à Genève. L ‘IFLA accepte et décide de s’engager.

- Automne-Hiver 2002 : une campagne d’information est organisée par les représentants de la BBS afin de mobiliser les bibliothécaires suisses. Le SLIR (Swiss Librarians for International Relationship) est créé au sein de la BBS afin de mettre en place des actions concertées : de nombreuses institutions diverses adhèrent et délèguent des membres (les bibliothèques HEI et SES à Genève, la Haute Ecole de Genève, la BCU à Lausanne, la Bibliothèque nationale suisse, la Bibliothèque de l’ONU, la Centrale RERO à Martigny, sans oublier l’AGBD), certaines participent financièrement.

- Hiver 2002-Printemps 2003 : plusieurs groupes de travail au sein du SLIR sont mis en place notamment par rapport au budget (un volet bourses pour la venue de bibliothécaires des pays en développement est prévu), à la logistique ou au contenu scientifique du Pré-Sommet. Les réunions se succèdent à un rythme soutenu, les contacts s’intensifient. Le SLIR et l’IFLA sont présents, entre autre, en février 2003 au Comité préparatoire du SMSI (Prép-Com 2), ainsi qu’à une réunion à l’UNESCO à Paris. La BBS organise une journée d’information à Fribourg.

- Août 2003 : le congrès de l’IFLA à Berlin marque une étape importante, notamment avec une intervention remarquée d’Adama Samassékou (ancien ministre de l'Education du Mali), président du Comité préparatoire pour le Sommet et des annonces régulières sur le SMSI faites auprès des bibliothécaires présents.

- Automne 2003 : le mois de septembre voit la tenue de la Prép-Com 3, puis les semaines qui suivent permettent de mettre en place les derniers détails du Pré-Sommet de novembre. L’IFLA est présente à chaque étape, élabore des documents pour la communication. Les délégués de l’IFLA s’inscrivent de plus en plus nombreux, des personnalités internationales du monde bibliothéconomique acceptent de diriger et de modérer les réunions.

- 3 et 4 novembre 2003 : la Salle des Assemblées de l’ONU à Genève (ancienne salle de la Société des Nations) accueille 200 bibliothécaires en provenance de 74 pays venus à la demande de l’IFLA afin de préparer le volet bibliothèques du SMSI. L’objectif de cette rencontre était principalement de préparer des discussions bilatérales entre délégués gouvernementaux à l’ONU et bibliothécaires, discussions qui ont eu lieu le 4 novembre. La place des bibliothèques dans la société de l’information reste à défendre, notamment dans la Déclaration de principes et le Plan d’action du Sommet axés majoritairement sur les technologies de l’information : ces textes, très généraux, prennent en compte de nombreux facteurs (culturels, sociologiques, géographiques, technologiques) qui sont, certes, importants à mentionner, mais qui oubliaient quelque peu dans leur première mouture, les bibliothèques elles-mêmes. Suite à différentes interventions, les bibliothèques sont dorénavant mentionnées.

Le 3 novembre, 7 tables rondes ont été organisées, chacune représentant une région du monde avec comme objectif que les bibliothécaires présents puissent proposer des idées concrètes à réaliser en matière d’accès à l’information à leurs représentants gouvernementaux le 4 novembre. La diversité et la richesse des échanges ont marqué ces réunions, une des difficultés majeures étant que les bibliothèques présentent des caractéristiques très différentes d’un continent à l’autre : la situation politique, la formation des professionnels, le concept même de bibliothèque sont très hétérogènes et ont une implication évidente sur l’accès à l’information.

Les bibliothèques sur divers continents

Pour exemple, la zone Amérique latine et Caraïbes possède un espace bibliothéconomique dû plus au dynamisme des professionnels (individus ou associations) qu’à celui des institutions. Les bibliothécaires brésiliens ont lancé une étude sur les bibliothèques scolaires dans l’Etat de Rio de Janeiro pour montrer au gouvernement la nécessité de les développer. Au Pérou, ce sont des initiatives privées et locales qui permettent de développer les bibliothèques. En Guyane britannique, un seul point d’accès gratuit à Internet est offert à la population : la Banque mondiale et l’Unesco ont lancé un projet afin de changer cette situation. Dans d’autres régions du monde, c’est l’accès au réseau électrique ou l’analphabétisation qui représentent les freins les plus importants (Madagascar) ; la question des réfugiés, des personnes handicapées se posent à de nombreux pays (Finlande, Suède…) et ce sont les bibliothécaires qui proposent des solutions adaptées ; en Europe centrale et de l’Est (Serbie notamment), les ressources sont concentrées dans les villes les plus importantes et la fracture numérique est une réalité ; en Asie et en Océanie, la promotion de la lecture en zone rurale est confiée aux associations de bibliothécaires avec l’aide des gouvernements (Thaïlande, Malaisie) ; le Népal, l’Inde ou le Pakistan bénéficient d’un réseau de bibliothèques étendu (au Népal : 900 bibliothèques ; en Inde, ce sont surtout les bibliothécaires universitaires qui sont développées). Voici quelques exemples de réalisations concrètes parmi beaucoup d’autres qui montrent certains manques en matière d’accès à l’information, mais également une forte implication des professionnels.

La journée du 4 novembre consacrée aux discussions bilatérales délégués ONU-bibliothécaires fut marquée par une forte attente des bibliothécaires. Malgré l’indisponibilité de certaines délégations gouvernementales, les bibliothécaires présents ont saisi l’occasion qui leur était donnée de rencontrer leurs représentants et d’exposer leurs souhaits. La séance finale de cette conférence permit de réaliser une synthèse globale et les points forts suivants furent exposés : le renforcement des échanges et de la solidarité Nord-Sud ; une place forte à accorder au multilinguisme et au multiculturalisme ; une société de l’information axée sur l’être humain ; un accès à des contenus d’information de qualité sont parmi les points-clés. L’IFLA, en la personne de son secrétaire général Ross Shimon, de sa présidente en exercice, Kay Raseroka et de son futur président Alex Byrne, a adressé dans un communiqué final une déclaration aux membres du Sommet mondial sur la société de l’information : le développement, l’extension des services d’information et de bibliothèques de qualité, la préservation du savoir et de l’héritage culturel peuvent être réalisés grâce à des investissements modérés qui profiteraient à l’ensemble de la communauté mondiale.

- 10-12 décembre 2003 : le SMSI ouvre ses portes à Palexpo à Genève et accueille les représentants de 175 pays, 4500 délégués, 500 journalistes soit 20 000 entrées enregistrées au total. De nombreux articles critiques sont parus dans la presse qui posent la question de l’intérêt et de la portée d’un tel sommet. Cependant, si l’on regarde le taux d’affluence des personnes présentes durant les trois jours de la manifestation, il est possible de dire qu’il n’a pas laissé indifférent. Les résolutions finales font apparaître des divergences importantes selon les pays et la fracture numérique est encore loin d’être comblée. Du point de vue des bibliothèques, l’IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions) n’a jamais investi autant de moyens pour faire reconnaître la position des bibliothèques dans la société de l’information, mais celles-ci sont dorénavant mentionnées à plusieurs reprises comme point d’accès à l’information.

Et après ? Le travail n’est pas pour autant terminé. Les travaux du groupe d’intérêts SLIR (Swiss Librarians for International Relations) vont se poursuivre, puisque d’autres réunions au plan international sont prévues, notamment Tunis en 2005 : le SLIR accueille volontiers les professionnels qui souhaitent participer à ses travaux. ( http://www.unige.ch/biblio/ses/IFLA/slir00.html)

cop. JP Accart, 2007

 

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