La Profession
(2016) - Les nouveaux champs d’action du professionnel de l’information
publié dans Guide Pratique Archimag n° 56, « Transition digitale : l’infodoc relève le défi », p. 4-5
Les nouveaux champs d’action du professionnel de l’information
Qu’en est-il aujourd’hui de la fonction information-documentation au sein des organisations? Voit-on réellement sa disparition pure et simple comme annoncée régulièrement ou sa réinvention par des professionnels saisissant de nouvelles opportunités ? Comment les entreprises et les organisations publiques (administrations, collectivités) gèrent-elles leur information à l’ère de Google et du numérique ? Ces questions ne sont pas nouvelles, et risquent d’être posées encore longtemps. Mais, s’il y a peu de temps, on assistait à la disparition pure et simple de services de documentation et des bibliothèques dans les entreprises, d’autres chemins documentaires semblent être suivis - moins linéaires et moins traditionnels que le passage par un service de documentation centralisé - reposant sur la prise de risque, le courage individuel, le fait de s’impliquer dans des projets autres que purement documentaires mais apparentés. La technologie mobile, les réseaux sociaux favorisent ces changements. Est-ce un effort désespéré pour survivre ou simplement une manière de réinventer un métier, celui de documentaliste – manager de l’information ?
Au plus près des entrepreneurs et des opérationnels
Maintes fois évoquée, la dilution de la fonction documentaire n’est pas un vain mot, elle est le résultat des progrès des moteurs de recherche, de l’information diffusée en temps réel par les réseaux sociaux et par les modifications du comportement général des utilisateurs d’Internet : l’information est à portée de main (de clic pourrait-on dire) très facilement, la recherche d’information ne semble plus poser de réelles difficultés, l’abondance de données fait croire à tout un chacun qu’il est professionnel de l’information.… Cela devient cependant moins facile lorsque la recherche est complexe, lorsqu’interviennent des stratégies plus élaborées pour surveiller l’environnement de l’entreprise, pour trouver des statistiques et des rapports non publiés, ou lorsqu’il s’agit de faire appel à des experts d’un domaine.
Les décideurs (chefs d’entreprise, administrateurs, cadres) devraient se poser la question du coût réel de l’information et de sa recherche. Il faut souligner que le temps perdu à chercher de l’information est toujours aussi important et que l’info-obésité ne va pas disparaitre, au contraire. Quelques chiffres parlants :
- Le temps de l’ingénieur passé à la recherche d’information a augmenté de 13 % depuis 2002 (Outsell [1]) ;
- Huit recherches d’information consécutives sont nécessaires pour trouver le bon document pour certains travailleurs (SearchYourCloud [2]) ;
- Les employés consacrent 1,8 heures par jour (soit 9,3 heures par semaine) en moyenne à la recherche et la collecte d’informations (McKinsey [3]).
Le besoin d’information est donc récurrent et représente un coût pour l’entreprise que celle-ci ne semble pas prendre en compte, on peut même affirmer qu’il s’est accentué avec les multiples sources et moyens d’information qui existent. Le besoin d’un professionnel de l’information n’est pas affirmé, mais il est latent, la preuve en est le recrutement de profils fortement apparentés aux métiers de l’information-documentation : veilleur pour la veille stratégique et concurrentielle ; community manager pour la gestion des réseaux sociaux ou de l’Intranet ; knowledge manager pour la prise en compte des expertises ; chef de projet pour la gouvernance de l’information… Ils viennent prêter main forte aux décideurs, entrepreneurs et opérationnels sous la forme de missions plus ou moins courtes, à la demande. Le numérique accentue fortement le besoin de spécialistes.
Cela provoque la dispersion des professionnels de l’information et nuit certes à leur visibilité, mais ils remplissent un besoin très actuel. La fonction information-documentation ne disparait donc pas, elle s’est assouplie, ne subit plus les contraintes d’un service constitué d’une équipe, avec des locaux, un budget… pour ne garder finalement que l’essentiel le cœur du métier c’est-à-dire le traitement et la recherche d’information et sa diffusion aux personnes concernées. C’est peut-être en cela que cette fonction est originale, foncièrement différente des autres fonctions plus « palpables » qui constituent toute organisation (ressources humaines, services économiques, logistique, informatique…). Fonction transversale par essence, elle s’appuie sur la technologie et utilise toutes les possibilités offertes par celle-ci. Le numérique est ainsi une réelle opportunité de « réimplanter » la fonction information-documentation et ceux qui l’exercent au sein des organisations : demandant une réelle expertise en matière de traitement et de recherche de données, ces « nouveaux » professionnels de l’information sont souvent des acteurs clés de la transformation digitale des organisations. Certains « nouveaux métiers » sont au cœur de cette transformation et parmi eux quatre métiers semblent promis à un bel avenir :
L’architecte de l’information qui intervient en amont d’un projet de conception de site web, d’intranet, ou de logiciel. Il classe les contenus par typologie, optimise la navigation et la recherche d’information. Il est orienté vers les utilisateurs. Il est le chaînon manquant entre l’informaticien et le documentaliste. [4]
Le curateur de contenu ou content curator qui identifie des sources de contenus sur le Web (sites, blogs, médias sociaux), les sélectionne et analyse les contenus les plus pertinents, en vue de les présenter sous la forme d’une agrégation thématique sur un média web distinct des sources d’origine.
Le spécialiste de la science des données ou data scientist est un métier lié au Big Data (données massives), à leur extraction et à leur analyse. Le data scientist utilise Internet, les applications multimédias et smartphones pour recueillir le plus grand nombre d'informations possibles. Après les avoir analysées rigoureusement de façon à établir une stratégie organisationnelle et opérationnelle pour son entreprise[5].
Le gestionnaire de communauté ou community manager est en charge du développement et de la gestion de la présence d’une marque ou organisation sur les réseaux sociaux et autres espaces communautaires. Il est souvent considéré comme le garant de la réputation et de l’engagement à l’égard de la marque sur les réseaux sociaux, mais peut également avoir un rôle plus promotionnel [6]. Cette appellation est issue du monde du marketing.
Un autre rôle : le professionnel-consultant en information
Insensiblement, la fonction évolue donc et occupe d’autres terrains : elle est plus souple, diversifiée et s’exerce avec moins de contraintes. Elle est présente à la demande et suit en cela l’évolution du marché du travail qui ne connait plus des postes s’étalant sur vingt ou trente ans. Des missions plus courtes, techniques selon la demande des entreprises, tel est peut-être le futur du professionnel de l’information. Celui-ci se rapproche donc du consultant en information. Comment définir le consultant en information ? The English Oxford Dictionary le voit comme « une personne qualifiée pour donner des conseils professionnels ou fournir des services » [7]. Cela correspond totalement aux besoins actuels des entreprises et des organisations qui sont à la recherche de ce type de profils spécialisés, orientés technologie numérique et medias socaiux, avec une forte composante traitement de l’information. La médiation numérique n’est pas loin. Des opportunités sont donc à saisir afin de dessiner un nouvel avenir pour les professionnels de l’information.
Jean-Philippe Accart
[1] https://www.outsellinc.com/
[2] https://www.searchyourcloud.com/
[4] http://metiers.internet.gouv.fr/metier/architecte-de-l%E2%80%99information
[5] [Fiche métier] Qu'est-ce qu'un Data Scientist ? http://www.e-marketing.fr/Thematique/communaute-1008/Breves/Fiche-metier-est-Data-Scientist-255173.htm
[6] Pour plus de détails, voir : http://www.definitions-marketing.com/definition/community-manager/
[7] http://www.oxforddictionaries.com/definition/english/consultant
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