Les réseaux
(1995) - Les réseaux de l'information scientifique et technique: historique.
Le Micro-Bulletin du CNRS, 1995, n° 61, pp. 116-123.
Le développement des réseaux: les projets
On situe le développement des réseaux avec le lancement par l'Union soviétique, le 4 octobre 1967, du satellite Spoutnik: les Etats-Unis décident alors de mettre en place des structures de réseaux. Les premières liaisons à distance datent des années 60 et utilisaient le réseau téléphonique commuté.
Mais on s'orienta vite vers des réseaux de transport de données propres du fait d'une forte demande résultant du développement du télétraitement, demande elle-même confortée par les besoins des militaires en communication fiable permettant la mise en commun des moyens de calcul. L’idée a consisté à découper et à organiser les données en paquets indépendants, accompagnés de l'adresse du destinataire et de données de contrôle.
Contrairement au réseau téléphonique, il est possible de connecter des terminaux fonctionnant à des vitesses différentes.
La recherche documentaire en conversationnel était déjà une réalité, et le développement de tels réseaux a été un renfort puissant à l'essor de l'industrie de l'information. Alors débuta l'ère du «online». On sortait du terrain des pionniers pour entrer dans le domaine commercial. Entre 1964 et 1970, l'information scientifique et technique (IST) se rationalise, le serveur Dialog et les centres Medlars se développent.
Le premier réseau à transmission de paquets a été développé en 1969 aux Etats-Unis sous contrat de l'agence militaire ARPA (Advanced Research Projects Agency) et reçut le nom d'ARPANET. Il était accessible par ligne téléphonique. Tymshare Corporation, société de service vendant du temps partagé, installa un réseau privé du même type sous le nom de TYMNET, qu'elle étendit rapidement hors des Etats-Unis.
Puis, en 1970, c'est le développement des protocoles d'échanges :
- Le projet français CYCLADES a été lancé en 1972 et fut opérationnel en 1975.11 reliait une vingtaine d'ordinateurs situés dans des universités, centres de recherche ou centres informatiques, à la fois dans un but d'expérimentation et comme outil d'accès aux banques de données. Il permit le développement du réseau commercial TRANSPAC ouvert en 1978.
- Au niveau européen, la CEE développa le projet EURONET engagé en 1975 par les divers PTT. La mise en service en 1980 s'appuyait sur un centre de gestion à Londres, quatre centres de commutation à Francfort, Londres, Paris et Rome, et cinq autres points d'accès.
Depuis, l'Europe dispose d'un maillage généralisé.
La première réunion sur l'information en ligne en Europe s'est tenue en 1974 à Bruxelles sous l'égide de l'OrAN. Elle regroupait des spécialistes de la documentation et traitait des problèmes de réseaux pour les bibliothèques et centres de documentation.
L’Union européenne, par l'intermédiaire de la DG XI1l, intervient depuis les années 70 pour stimuler ce secteur. Ainsi, la mise en place de l'infrastructure de base (interconnexion de réseaux type TRANSPAC) a été activée par le projet EURONET-DIANE. Un plan d'action lancé en juillet 88 (IMPACT : Information Market Policy ACTion) vise à la création d'un véritable marché intérieur des services électroniques d'information. Ce plan a été renouvelé en janvier 91 jusqu'en 1995 avec un budget de 100 millions d'écus.
Il a quatre objectifs :
- améliorer la connaissance du marché de l'information,
- dépasser les barrières légales et administratives,
- améliorer l'interface utilisateur/système,
- aider le développement de l'information stratégique.
Quelques associations européennes - EUSIDIC : European Association for Information Service, qui depuis 1970 réunit de grands organismes (Questel-Orbit, l'INI5T, le CEDOCAR) afin de mettre en commun des normes et les présenter à l'150. Elle rédige également des guides pratiques et organise des conférences. C'est un groupe de pression. |
En France, le rôle de la MIDIST (Mission interministérielle de l'IST) depuis 1979, arrêté depuis 1990, a été très important. La MIDIST a ainsi permis la création et le développement des bases de données en France pour faire face à l'influence des bases de données américaines avec notamment la naissance du serveur Questel en 1980 (aujourd'hui Questel-Orbit). Au début de 1991, le ministère de la recherche et de la technologie a stimulé la veille technologique qui s'appuie en grande partie sur les banques de données.
Le développement des réseaux: quelques repères
C'est dans les années 80 qu'on assiste réellement au développement mondial de réseaux répondant aux besoins de systèmes de communications propres aux instituts de recherche notamment des réseaux locaux et régionaux.
Aux Etats-Unis, la National Science Foundation va jouer un rôle important :
- CSNET : recherche universitaire en informatique,
- BITNET : recherche toute discipline,
- NSFNET est créé en 1984 etjoue le rôle d'épine dorsale,
- INTERNET est créé à la même époque.
Les années 1990 annoncent la mise en place aux Etats-Unis du NREN (National Research and Education Network), réseau national à très haut débit (plusieurs gigabits par seconde), s'appuyant sur l'Internet et dont l'un des objectifs est la diffusion massive de services d'informations multimédias. Ce réseau reliera l'ensemble du système éducatif, les bibliothèques, les laboratoires de recherche et les entreprises; un budget de 1,15 milliard de dollars sur cinq ans lui est attribué. C'est dire tout l'intérêt que porte le Gouvernement américain au développement d'un tel dispositif pour améliorer à terme la compétitivité nationale.
En Europe, c'est également dans les années 80 que se développent dans de nombreux pays les réseaux de communication pour la recherche :
- JANET en Grande-Bretagne,
- DFN en Allemagne,
- NORDUNET pour la Scandinavie,
- SURFNET aux Pays-Bas,
- EARN raccordé à BITNET en 1984,
- RENATER en France ne démarrera que dans les années 1990.
Les grands réseaux de la recherche : RENATER, EBONE, JANET, CANARIE, JUNET, CHINANET
L'exemple français: RENATER
Début juin 1992, les organismes fondateurs de Renater ( CEA, CNES, CNRS, EDF; INRIA, enseignement supérieur) ont créé le réseau RENATER dans le but d'interconnecter l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et des centres publics ou privés de recherche, et afin d'assurer les connexions sur les réseaux de télécommunications pour la recherche ou l'enseignement des autres pays. Ils ont également décidé d'unir leurs moyens au sein du GIP (Groupement d'intérêts publics) RENATER et ont confié la mise en reuvre du réseau à France Télécom. Cette infrastructure a pour but que la communauté scientifique communique, qu'il y ait échange des publications et du savoir-faire.RENATER, un réseau de réseaux
Le concept du réseau de transport de données de RENATER repose sur une architecture à trois niveaux :
- les réseaux de campus, opérés par les utilisateurs finaux et les centres inforrnatiques, qui relient stations de travail et ordinateurs d'un même site;
- les réseaux régionaux, qui relient par des points d'accès les réseaux de campus. Ils permettent aux campus d'une même région de communiquer entre eux;
- un réseau national d'interconnexion, qui relie les réseaux régionaux.
Des liaisons vers les réseaux de la recherche de l'Europe et des Etats-Unis sont raccordées à ce réseau à travers une passerelle internationale.
Le réseau national d'interconnexion permet, par l'intermédiaire des réseaux régionaux, à tous les sites reliés à RENATER de communiquer entre eux et d'accéder aux réseaux étrangers.
Après une phase pilote qui a commencé en octobre 1991, le démarrage opérationnel de RENATER s'est situé en novembre 1992.
RENATER, un réseau à haut débit
La volonté de ses fondateurs est que RENATER possède de puissantes connexions vers les réseaux de la recherche d'autres pays et l'Internet (aujourd'hui 2 384 kbit/s vers l'Europe et I 700 vers les Etats-Unis), et aussi qu'il évolue vers les très hauts débits.
Lépine dorsale Paris-Lyon-Marseille-Montpellier est opérationnelle à 34 Mbit/s; les réseaux régionaux raccordés sur cette artère offrent à leurs utilisateurs des débits de raccordement atteignant 34 Mbit/s.
A travers une infrastructure de réseaux régionaux et d'un réseau national d'interconnexion, Renater offre un service de télécommunication connectant les réseaux locaux des sites et des campus.
Le service IP
IP est un protocole de communication par paquets de plus en plus répandu. Le service IP de Renater a pour principales caractéristiques: interconnexion de réseaux locaux de type Ethernet, transport des données, disponibilité, vérification des adresses d'origine, filtrages sur les adresses.
Un service de messagerie multiprotocole
Parmi les tâches assignées à Renater par les organismes fondateurs, figure la maîtrise d'ouvrage des services nationaux de messagerie et d'annuaire.
Le réseau européen EBONE et le programme COSINE
Ebone est une fédération de 23 réseaux IP établis en Europe qui se sont regroupés pour établir et financer une infrastructure d'interconnexion et son administration.EBONE est utilisé pour l'essentiel par les réseaux de la recherche européens; quelques opérateurs de service IP privés y sont également raccordés.
Plus généralement, COSINE (Cooperation for Open Systems Interconnexion in Europe) est un consortium de 18 pays et l'Union européenne, avec pour but de créer une infrastructure de télécommunications pour l'éducation, le commerce et l'administration. EuropaNET en sera le résultat et sera similaire à JUNET et Nacsis, les réseaux japonais.
Deux originalités :
-l'interconnexion des différents réseaux européens grâce à une normalisation des protocoles,
-et l'extension de ce réseau aux pays d'Europe de l'Est.
L'exemple britannique: le réseau (Joint Academic Network)
Janet a été lancé en 1984 sur une initiative privée, le public visé étant les facultés de médecine britanniques. 40 000 utilisateurs sont ainsi reliés à 1 700 ordinateurs sur 150 sites. Le but est de faciliter l'accès aux ressources universitaires grâce à un réseau informatique dans l'intérêt de l'enseignement et de la recherche. Les utilisateurs, à partir d'un site local, peuvent être en relation avec la communauté universitaire nationale et internationale grâce au Packet Switching System, à l'International Packet Switching System et à un certain nombre de réseaux américains. Les services offerts sont la messagerie électronique et des possibilités de communication diverses, et bien sûr 50 catalogues de bibliothèques. De son ordinateur, l'utilisateur peut ainsi faire des recherches et des réservations à distance. Le prêt n'est cependant pas toujours possible selon les bibliothèques. Janet est un réseau très utilisé donc souvent encombré. SUPERJANET, basée sur des fibres optiques, se profile déjà à l'horizon: ce sera l'équivalent du NREN network américain. A titre d'exemple: un rapport de 5 500 pages pourra être envoyé en une seconde d'un site à un autre.L'exemple canadien: CANARIE
Le Canadian Network for the Advancement of Research, Industry and Education (CANARIE) est une autoroute de l'infonnation nationale qui n'a cependant pas été créée par voie législative. Le départ de CANARIE fut le lancement d'une étude de faisabilité en 1989 concernant un réseau de la recherche par un département fédéral: l'ISTC (Institute for Science and Technology in Canada). Le résultat de l'étude fut positif en tennes économiques et techniques.En 1990, une réunion de la communauté de la recherche, de l'éducation et des représentants du Gouvernement conclut à la f
isabilité du projet, à l'instar du NREN américain. Ainsi, les dix réseaux provinciaux furent reliés entre eux et offrirent les mêmes services que leur homologue américain : fourniture de documents électroniques, bibliothèque virtuelle, banques de données, etc.
L'exemple japonais: JUNET
Le Japanese Universities Network est le plus grand réseau à haut débit au japon. Il relie les chercheurs japonais entre eux ainsi qu'à l'étranger avec l'interconnexion du réseau aux réseaux européens et nord-américains.Le National Center for Science Information Systems (NACSIS) est un autre exemple de réseau. Il interconnecte les universités japonaises entre elles grâce au Science Information Network. Son but essentiel est de donner à la communauté de la recherche et de l'éducation le maximum d'accès à l'information. Il propose des services tels que: vidéoconférence et texte intégral.
Le réseau japonais JUNET est cité en référence par le Gouvernement américain.
L'exemple chinois: CHINANET
Actuellement, la connexion de la Chine avec les réseaux informatiques mondiaux pour le grand public s'effectue autour de trois pôles à vocation universitaire et commerciale. Le plus ancien est ChinaNet, lancé par l' Académie des sciences et les universités de Pékin et Qinghua; le second est Cernet, qui relie une dizaine d'universités de province à Pékin; et enfin, Chinalnternet, géré par le ministère des postes et télécommunications, que n'utilisent encore que 2000 communicants locaux. Mais la Chine est également présente hors de ses frontières sur les réseaux avec des services d'infonnations principalement économiques, qu'elle contrôle par l'intermédiaire d'amis chinois d'outre-mer, notamment aux Etats-Unis.Les différents types de réseaux existant à l'heure actuelle
Qu'en est-il de l'infrastructure des réseaux telle que nous la connaissons actuellement ?
Les réseaux transportent l'information que l'on crée, que l'on émet et que l'on reçoit grâce aux moyens de communication. Ce sont des réseaux publics (les lignes de téléphone de France Télécom) ou privés (les réseaux des entreprises multinationales), s'appuyant le plus souvent sur des câbles en tant que support physique, mais pouvant faire appel à des liaisons par radio ou par satellite. Ils peuvent utiliser plusieurs techniques d'acheminement : la plus simple est la liaison fixe d'un point à un autre. Ou bien on peut faire appel à une technique de commutation de circuits: pendant un temps donné, un poste est physiquement relié à un autre par l'intermédiaire d'un ou de plusieurs centraux téléphoniques (c'est le principe de la liaison téléphonique actuelle). Enfin les transmissions de données ont mis à l'ordre du jour la technique de commutation de paquets : il s'agit de transférer des données regroupées en une série de paquets, ceux-ci étant acheminés sur des circuits partagés entre les différents utilisateurs.
Les réseaux peuvent également exister à petite échelle, et relier par exemple entre eux les vingt micro-ordinateurs d'une même société. On parle alors de «réseaux locaux».
Un autre type de réseau est le réseau à valeur ajoutée (acronyme RVA).
Créer un réseau à valeur ajoutée consiste à offrir un ou plusieurs services supplémentaires lors de l'échange d'informations entre deux ou plusieurs parties. L’information échangée (voix, textes, onnées, images) peut subir un traitement pendant la transmission. L’ajout de valeur provient d'un traitement complémentaire effectué au cours du transport physique sur les lignes de télécommunications, que ce soit au cours d'un échange monodirectionnel comme pour l'envoi d'un message (authentification, remise automatique, éventuelle conversion télécopie ou télex, etc.) ou d'un échange bidirectionnel comme c'est le cas pour l'accès aux bases de données.
Conclusion
D'une manière générale, les réseaux de télécommunications ont connu un développement étonnant durant les trente dernières années: mis en place dans un but militaire et de défense au départ, ils servent maintenant à transporter tout type d'information, et principalement l'information scientifique et technique. Actuellement, il s'agit surtout d'offrir l'interconnexion des réseaux locaux avec les réseaux X25 nationaux et internationaux par des voies haut débit, avec des services modernes comme les messageries et le travail coopératif.
INTERNET est l'aboutissement de toute une histoire, jeune encore, mais qui réserve certainement des développements encore inconnus.
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