Les Techniques documentaires
(2002) - DSI, l’information profilée
Archimag, 2002, n° 155, pp. 32-35.
Etre au plus près des attentes et besoins de ses utilisateurs, les anticiper, étudier l'environnement de l'institution et de l'entreprise, proposer des thèmes de recherche actuels, faire de la prospective: tels sont les enjeux de la diffusion sélective de l'information (DSI).
La DSI prend plusieurs appellations: les plus parlantes sont certainement " profil documentaire " ou " profil personnalisé " ou " profil de recherche ", mais l'on trouve aussi des termes ou expressions tels que " alerte " et " repérage de l'information pertinente ". La technologie ajoute ses propres termes dont le plus usité aujourd'hui est " technologie push ". En allant plus loin, une DSI efficace est un " outil de veille " irremplaçable, très utilisée par les veilleurs d'information. Les anglo-saxons emploient une infinité de termes pour la désigner: " current awareness "; " updates "; " alert "; " interests area "; " watch " et " information watch service" concernent plus particulièrement la veille (notion traduite par " business intelligence "). Mais, en premier lieu, il s'agit de définir précisément ce qu'est la DSI, à quoi elle sert. Puis en second lieu, de donner des méthodes et des exemples qui vont servir le professionnel de l'information dans la mise en place d'un service efficace et utile.
La diffusion sélective de l'information permet d'alerter les utilisateurs de la parution récente de documents, d'informations rentrant dans leurs domaines d'intérêts et d'être ainsi au courant de l'actualité. La DSI est une mise à jour perpétuelle des connaissances d'un utilisateur ou d'un groupe d'utilisateurs. Cette mise à jour est réalisée grâce à l'envoi régulier des références les plus récentes. On distingue donc deux types de diffusion sélective d'information:
- l'une correspond à la fourniture de références bibliographiques répondant au profil d'un seul utilisateur: la diffusion est alors strictement " individuelle ", on parle de " profil personnalisé "
- l'autre correspond à la fourniture de listes bibliographiques plus larges répondant au profil d'intérêt d'un groupe homogène d'utilisateurs. C'est un " profil de groupe " qui se traduit généralement par une proposition de différents " profils standards ".
Références, résumés ou textes intégral
Ces deux types de DSI ont cependant la même méthode d'élaboration et de création. Comment se présente-t-elle ?
Elle prend le plus souvent la forme d'une liste de références, ou de résumés indicatifs de documents récemment parus, parmi lesquels ne sont sélectionnés que ceux correspondant strictement au domaine d'intérêt (ou " profil " du demandeur). Elle peut concerner également les brevets. Sa périodicité régulière (hebdomadaire ou mensuelle) est une de ses caractéristiques fortes. Hormis les références ou les résumés, le documentaliste peut choisir d'envoyer directement à l'utilisateur le texte intégral d'un document qui répond exactement au profil qui a été créé.
Ici, maintenant ou jamais
La DSI est un produit documentaire élaboré qui offre une réelle valeur ajoutée par rapport à une bibliographie simple ou à un bulletin documentaire: elle correspond à la mise en œuvre d'une stratégie de recherche approfondie, testée, et bénéficie dorénavant des moyens technologiques tels Internet, les banques de données professionnelles ou les logiciels documentaires. Elle est considérée comme un des " produits-phares " en information-documentation, car elle met en concordance des besoins d'information pointus (de la part de l'utilisateur), des techniques documentaires (la connaissance des sources pertinentes et du domaine, la recherche d'information, la veille) et des compétences documentaires (celles du professionnel de l'information). S'il fallait appliquer une devise à ce produit documentaire, elle pourrait être " ici, maintenant ou jamais " tant celle-ci correspond à une demande " avancée " de recherche d'information immédiate. Pertinence et actualité sont les maîtres-mots de la DSI. Une connaissance approfondie du domaine d'investigation est nécessaire sinon impérative da la part du professionnel, alliée à l'établissement d'un réel dialogue avec l'utilisateur afin de bien comprendre ses attentes.
Il faut insister sur le fait que la DSI n'est pas un produit documentaire courant, les documentalistes ou les bibliothécaires ne la réalisant pas systématiquement pour des raisons de temps et de moyens. Les domaines où la DSI est le plus souvent fournie aux utilisateurs sont la recherche scientifique, la médecine, l'industrie, l'économie ou les finances, c'est-à-dire des secteurs où l'anticipation, la connaissance de l'environnement sont essentiels. Elle ne concerne donc pas tous les secteurs. Certains professionnels de l'information peuvent la proposer à leurs utilisateurs, dans le secteur non-marchand en particulier (l'administration d'Etat ou territoriale; l'éducation; la culture): ils offrent généralement des bulletins et panoramas de presse le plus souvent destinés à une utilisation large au sein de l'institution, mais la mise en place d'une veille sous forme de profils présente l'avantage de mieux renseigner les décideurs publics sur les évolutions de la société et les attentes du public.
Plusieurs moyens à sa portée
Le professionnel de l'information a plusieurs moyens à sa portée pour mettre en place une DSI efficace, le plus courant étant l'utilisation des ressources documentaires internes du service. Il s'appuie sur les documents reçus les plus récents saisis dans la base de données interne (références ou texte intégral numérisé; sommaires de revues papier ou numérisé). Les logiciels documentaires actuels intègrent le plus souvent un module de DSI (c'est le cas du logiciel Alexandrie de la société GB Concept) qui permet d'effectuer des recherches sur les dernières références saisies à partir des centres d'intérêts des utilisateurs. Couplé avec le module Web et le module GEIDE, l'utilisateur reçoit de manière électronique des références, mais également le texte intégral d'un document.
S'il est abonné à des produits bibliographiques, le professionnel peut également exploiter les possibilités fournies par certaines banques de données bibliographiques sur cédéroms ou sur disquettes: un des meilleurs exemples de profils personnalisables proposés par une banque de données est celui présenté par les Current Contents de l'Institute for Scientific Information (ISI), soit 16000 périodiques indexés représentant huit disciplines (de l'agriculture aux sciences, de la médecine à l'art et aux sciences humaines). Une fois enregistré, le profil est édité automatiquement selon la périodicité souhaitée et envoyé soit sur papier, sur disquette ou par messagerie.
Selon la formule choisie, les références issues du profil sont intégrées dans le logiciel bibliographique de l'utilisateur (tels Reference Manager ou Endnote) qui constitue ainsi sa base de données personnelle.
Enfin, il ne faut pas oublier les services offerts par les agences d'abonnements qui, pour la plupart, numérisent les sommaires des revues et se révèlent être une source d'information intéressante pour compléter des recherches ou des profils.
Termes choisis
Cependant, la DSI n'est réellement opérationnelle et utile que si certaines règles sont appliquées.
Le demandeur qui souhaite recevoir ce produit a besoin d'une information actualisée pour différentes raisons, le plus souvent parce que, spécialiste d'un domaine, il n'a pas tous les moyens (matériels et techniques), ni le temps nécessaire pour réaliser ce travail. Il va donc déléguer cette tâche au professionnel.
La réalisation d'un " profil documentaire " suit, en premier lieu, les règles de toute recherche documentaire: le passage du langage naturel - celui de l'utilisateur - à la définition des concepts-clés de sa recherche se fait avec l'aide du professionnel. Les termes choisis -auparavant clairement définis et compris, parfois à l'aide de dictionnaires spécialisés - sont issus du thésaurus employé pour toute autre recherche documentaire courante. Il est en effet essentiel d'utiliser cet outil de référence, le thésaurus, qui structure un domaine de connaissances. Les résultats de la recherche n'en sont que plus sûrs. Une fois les descripteurs choisis, il faut les associer avec les opérateurs booléens ET, OU, SAUF, les opérateurs d'adjacence ADJ ou NEAR, ceci afin de créer une ou plusieurs équations de recherche. Aux concepts retenus s'ajoutent des critères complémentaires afin de préciser la recherche: langue, type de documents souhaités, pays... Ces équations définissent le ou les centres d'intérêts de l'utilisateur et sont plus ou moins complexes: elles associent des notions entre elles ou permettent de réaliser une recherche sur un auteur en particulier (concernant ses dernières publications) ou encore de récupérer le sommaire d'une revue à paraître (c'est le cas, notamment, d'un certain nombre de revues en ligne qui proposent un service d'alerte).
En second lieu, ces différentes équations sont testées sur la banque de données interne ou externe, et les résultats évalués en fonction de leur pertinence par rapports aux sujets de départ. L'équation est modifiée si les résultats ne sont pas valables. Une fois définitivement établie, celle-ci est enregistrée dans le système. Selon la périodicité voulue (hebdomadaire ou mensuelle), la recherche s'enclenche automatiquement grâce au module DSI du logiciel documentaire ou du système auprès duquel un abonnement a été pris.
Exemple fictif d'un profil personnalisé à partir d'une recherche sur " la commercialisation des farines animales ". L'équation de recherche avec descripteurs d'un thésaurus sur l'agriculture est la suivante: Farine ADJ animale ET (prix OU politique des prix OU demande OU commercialisation) Réponse fournie:
Le croisement de ces descripteurs donne 15 notices répondant à l'équation de recherche. |
Des sources officielles
Jusqu'à présent, un certain nombre de possibilités ont été montrées concernant la mise en place de la DSI. L'accès aux banques de données professionnelles et à Internet offrent des choix supplémentaires au professionnel: il faut cependant être attentif à l'institution ou à l'organisme producteurs et porter son choix vers des sources officielles (instituts, bibliothèques, universités). Quelques grands organismes producteurs de banques de données ont des offres de service payantes " orientées utilisateurs ":
- l'INIST ( www.inist.fr) procurent ainsi, à partir des bases PASCAL et FRANCIS, des bibliographies et des profils personnalisées, des analyses statistiques, des synthèses, issus de son fonds pluridisciplinaire qui comporte ouvrages, revues et littérature grise,
- la British Library ( www.bl.uk/services/current.html) effectue, à la demande, une veille sur les sommaires de ses 20 000 titres de périodiques courants, les actes de congrès, les brevets...
- BOPCAS ( www.bopcas.soton.ac.uk) permet de rechercher de la littérature grise officielle britannique, soit 23 800 références depuis 1995,
- La bibliothèque de l'Université de Loughborough ( www.lboro.ac.uk/library/aware/) a une offre complète en matière d'alerte sur les nouvelles parutions, articles de revues, conférences, brevets et normes. La bibliothèque de l'Université de Leicester ( www.le.ac.uk.library/sources/subject5/ebm.htm) présente une offre spécialisée en médecine,
- Zetoc ( http://zetoc.mimas.ac.uk) permet d'exercer une veille régulière concernant la norme Dublin Core pour les métadonnées
Ce ne sont que quelques exemples, mais les produits proposés, en l'occurrence des profils personnalisés, présentent l'intérêt d'avoir été conçus par des professionnels pour des professionnels, ce qui est un gage de sérieux et de pertinence. Un exemple significatif est celui de la Bibliothèque nationale de France qui souhaite enrichir son offre documentaire par des profils.
A côté des profils personnalisés, on peut également trouver des listes de profils standards déclinés sous la forme d'une liste de thèmes. L'utilisateur ou le documentaliste doivent suivre la procédure d'abonnement.
La DSI évolue<
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Avec Internet, la DSI évolue et se décline selon le type de document en ligne présenté. Nous avons vu que généralement les résultats d'un profil se présentent sous la forme d'une liste de références bibliographiques, de résumés, de sommaires de revues, de brevets ou du texte intégral de documents. Des périodiques scientifiques proposent des " alertes " tel le British Medical Journal (BMJ) qui, chaque semaine, en plus d'un accès gratuit sur Internet, offre quatre formes d'alerte à partir du numéro en cours: sommaire; choix du rédacteur; choix d'articles commentés (press release) par l'auteur; choix d'articles qui correspondent à des centres d'intérêt particuliers. Dans le domaine médical, chaque pathologie possède maintenant son ou ses propre(s) site(s) créé(s) par une association, un particulier...et qui présentent des résultats scientifiques. Leur consultation régulière est une forme de veille, la précaution à prendre étant de vérifier que ces résultats soient tous validés scientifiquement.
Le domaine scientifique n'est pas le seul représenté. L'offre sur Internet étant très importante, le mieux est de rechercher les périodiques électroniques correspondant à ses propres domaines d'intérêt. EMERALD ( www.emeralinsight.com) est un fournisseur britannique de revues en ligne. Son catalogue est très riche et très diversifié par les thèmes abordés - économie, marketing, santé, management. Emeral E-mail Services permet de recevoir dans sa boîte aux lettre électronique des alertes et des updates. De nombreuses universités (anglo-saxonnes notamment) ont signé des licences d'agrément avec EMERALD.
Push on-line et push off-line
Enfin, la DSI bénéficie de la " technologie push ": elle est utilisée pour obtenir des informations ciblées selon une périodicité adaptée aux besoins de l'utilisateur. Ce sont essentiellement des logiciels de veille sur Internet qualifiés d'agents de veille. Il existe deux types d'agents " push ": les agents "push on-line" (My Yahoo!, My Newspage, My Excite, My AltaVista, Net.Portal) qui fonctionnent en ligne sans installer de logiciels spécifiques et auprès desquels il faut enregistrer son profil utilisateur; les informations arrivent sous format d'une page de sommaire personnelle (les rubriques sont très larges); et les agents "push off-line" qui sont des logiciels clients avec définition d'un profil et téléchargement automatique des informations (PointCast, Marimba, BackWeb, ...).
La DSI a donc fortement évolué et s'appuie de plus en plus sur la technologie: produit-phare des professionnels de l'information, ceux-ci se voient concurrencer sur leur propre terrain, l'information et sa diffusion. Le meilleur conseil à donner est de suivre ces évolutions technologiques, de comparer les produits et d'adopter ceux qui sont les mieux adaptés aux profils souhaités. Mais surtout de trouver le bon... profil !
Les exemples scientifiques ont été fournis par Marie-Pierre Réthy, documentaliste, Hôpital neurologique Pierre Wertheimer, Lyon
cop. JP Accart, 2007
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