Les Techniques documentaires

(2007) - L'info-doc au juste prix

La gestion des coûts est cruciale en documentation : tout responsable et son équipe doit veiller à la meilleure gestion des ressources allouées et ce, dans tous les domaines appliqués à la documentation : personnel, acquisitions, informatique, matériels. L'emploi des moyens financiers accordés ne se justifie auprès de la direction que par les résultats obtenus. Le rôle du responsable du service de documentation, à l'aide de son équipe, est d'organiser le travail en tenant compte de ces moyens, d'établir une dynamique et d'obtenir des résultats satisfaisants.

Planifier les coûts par rapport à la mission, aux objectifs, au développement du service

Les coûts sont planifiés en fonction des objectifs et de la mission du service : un service de documentation ouvert au public doit disposer d'une infrastructure adéquate pour l'accueillir, ce qui engendre des coûts particuliers. Un service de documentation scientifique, travaillant pour des chercheurs, a une politique d'acquisition axée sur la littérature scientifique ce qui signifie une gestion des abonnements en ligne efficace. Un service commun de documentation, à l'université, prévoit un budget d'acquisition conséquent par rapport aux nouveautés publiées dans certains domaines enseignés. Petit, moyen ou grand, le service de documentation répond aux mêmes règles en matière de gestion financière : une gestion rigoureuse, précise représente un atout certain.

Les coûts sont planifiés également en fonction des projets de développement du service : une modernisation de la structure en place, des prestations documentaires renforcées, un nouveau site web sont autant de projets  qui ont un coût. Leur prévision à court, moyen ou long terme est nécessaire : cela peut impliquer de faire appel à des consultants externes, d'embaucher de nouveaux membres dans l'équipe, d'acquérir un nouveau matériel informatique.

Le mieux est bien évidemment de décrire précisément ce qui précède, avec un budget nécessaire en regard : une direction regardera en premier ce que cela lui coûte. Il faut donc être prêt à argumenter face aux objections éventuelles, donner les raisons qui poussent à tel ou tel développement, négocier pied à pied.

Qu'est-ce qu'une gestion financière efficace ?

Une gestion rigoureuse des ressources documentaires est indispensable vis-à-vis de l'institution. Pour cela, certains coûts doivent être connus :

  • - les coûts en matière de personnel
  • - les coûts de fonctionnement
  • - les coûts d'investissement.

Le budget annuel du service est l'outil de gestion qui servira de base à des comparaisons, à des ajustements et à des prévisions. Le montant, la répartition, l'évolution du budget et les choix stratégiques adoptés par le responsable sont les indicateurs du positionnement économique de la documentation dans l'entreprise. Les structures d'exercice d'un service de documentation, très variées (publiques, privées, à caractère marchand ou non marchand), ont une incidence certaine sur les ressources financières. Une connexion étroite avec les services économiques de l'entreprise est indispensable afin de bien connaître le budget et les lignes budgétaires. Cela s'avère aussi très utile en cas de dysfonctionnements : retard de paiement, facture impayée etc.

Des coûts répartis

Il existe plusieurs manières de ventiler des coûts :

- par service rendu ;

- par étape de production ;

- par produit fabriqué ;

  • - par utilisateur.

Pour gérer un service de documentation, il convient également de connaître la répartition des crédits :

- les crédits d'investissements, évalués en prévision des besoins et des actions à entreprendre : dépenses en personnel, dépenses pour le fonds documentaire et dépenses d'équipement ;

  • - les crédits de fonctionnement: fournitures, entretien...

Ce sont les charges qui induisent les coûts.

Les charges du service de documentation

Un service de documentation a des charges semblables à celles d'un service administratif : le personnel, l'espace, les fournitures, l'entretien des matériels. L'identification des charges permet de les ventiler.

  • Les charges liées au personnel

Elles sont constituées par la masse salariale et les charges non salariales :

- le salaire : incluant les charges salariales, égales à 20 % du salaire brut, le nombre d'heures annuelles de travail (congés compris), et les charges patronales, soit 50 % du salaire pour un plein temps ;

- les charges non salariales : inhérentes au fonctionnement de l'entreprise (comité d'entreprise, comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail [CHSCT]...).

  • Les charges liées à l'espace occupé

Il s'agit du loyer, de l'électricité, du chauffage, de l'entretien, de la participation aux surfaces communes non affectées. Ces charges se traduisent par une évaluation au mètre carré et une répartition au millième.

  • Les charges liées aux fournitures, à l'entretien du matériel et aux prestations diverses:

- les fournitures de bureau ;

- la location éventuelle et la maintenance du photocopieur ;

- les frais de courrier et de téléphone ;

- la maintenance informatique ;

- la maintenance de certains appareils particuliers (lecteurs de microfiches...) ;

- les frais d'amortissement issus des investissements précédents ;

- les frais de sous-traitance.

  • Les charges liées aux acquisitions:

- achats ponctuels d'ouvrages, de numéros spéciaux de revues, de supports particuliers (cédéroms, DVD, microfiches...) ;

- achats dits permanents, comme les abonnements aux périodiques ou les interrogations de banques de données.

Les acquisitions constituent la valeur du fonds documentaire et sont ventilées selon les cas soit dans les charges, soit dans les investissements.

Une estimation des coûts en documentation

Les frais de personnel sont généralement estimés à 60 % du total, l'espace de 25 à 30 % et les fournitures à 10 %. La part de la documentation dans le budget global de l'entreprise s'élève en moyenne à 10-15 %.

Faut-il utiliser la comptabilité analytique ?

Les entreprises utilisent la comptabilité analytique, qui leur sert à calculer les coûts. Les charges saisies en comptabilité générale sont prises pour base et ensuite réparties : à chaque fonction, chaque produit, un coût est déterminé. On peut ainsi connaître le résultat global de l'entreprise, la rentabilité de certains produits par rapport à d'autres ; on peut aussi les comparer entre eux, définir des tarifs, établir des prévisions de charges. La comptabilité analytique, en donnant des éléments chiffrés sur la marche de l'entreprise, est une aide à la décision. C'est donc un système complexe, utile pour certains grands services de documentation.

Une gestion efficace : repérer la valeur ajoutée du service, réduire certains coûts, externaliser certaines dépenses

Repérer la valeur ajoutée du service

Tout service de documentation a ses points forts et ses points faibles. Le mieux est d'en dresser une liste, en faisant appel à l'expérience des collaborateurs de l'équipe les mieux à même de juger de leur activité. L'avis des utilisateurs est aussi primordial à recueillir au moyen d'une enquête ou d'un sondage. Enfin, tout service est en relation avec d'autres organismes externes : les interroger sur la réputation du service peut apporter d'autres éléments. L'efficacité d'un service de documentation peut être jugée et évaluée sur plusieurs critères :

  • - la rapidité et le contenu des réponses apportées aux questions posées
  • - l'accueil, l'amabilité du personnel
  • - la pertinence des services offerts...

Le résultat de ces différentes consultations permet de remplir une grille d'évaluation aussi proche que possible de la réelle valeur ajoutée. Les points faibles peuvent alors être corrigés, les points forts améliorés.

Réduire certains coûts

Une étude précise des crédits et des dépenses montre à l'évidence des coûts trop importants :

  • - de nombreux documentalistes luttent en permanence au sein de leur institution contre les dépenses à double: des abonnements multiples, des acquisitions de documents en plusieurs exemplaires pour satisfaire les chefs de service doivent être impérativement réduits, en expliquant clairement pourquoi et en proposant d'autres solutions. Un abonnement en ligne, sous forme de licence, est à négocier avec le fournisseur ou l'agence d'abonnements. Le recours à un consortium, notamment pour les services communs de documentation dans les universités, est la meilleure solution. Pour les petits et moyens services de documentation, la mise sur pied d'un réseau pour partager les ressources documentaires est une solution intéressante.
  • - De même pour les produits documentaires: une revue de presse, des dossiers documentaires, des synthèses peuvent être conçus et réalisés en coopération entre plusieurs services d'un même domaine d'intérêt.
  • - De nombreux services sont abonnés à des banques de données, dont les coûts peuvent être rédhibitoires. Une analyse de leur utilisation, des coûts engendrés peut permettre de rationaliser les dépenses.

La réduction des coûts peut également être voulue par une direction, notamment en matière de personnel. Même si la négociation est parfois difficile, il est très important de dresser un argumentaire complet pour éviter la disparition de certains postes.

Externaliser certains coûts

L'externalisation  est une possibilité intéressante à envisager, notamment pour la réalisation de certains produits documentaires : ceux-ci sont demandeurs de temps, de personnel et représente un budget difficile à assumer pour certains services. Quitte à les réduire, proposer certaines prestations peut-être de manière moins régulière est une solution : l'appel à un consultant externe est une éventualité à considérer.

La gestion des abonnements s'externalise de plus en plus, soit en étant membre d'un consortium, soit en s'associant avec d'autres services de documentation.

Le travail documentaire peut également être externalisé, avec le télétravail : ceci est rendu possible grâce à la technologie et dans certains types d'entreprises de services.

Une gestion efficace est un atout à mettre en avant : avec les différents cas de figure évoqués ici, les solutions sont multiples et doivent être considérées. Une direction sera toujours sensible à ce type d'argument : « cette année, les coûts documentaires ont été réduits grâce à... ». Il est alors plus facile de négocier d'autres points budgétaires.

Jean-Philippe Accart

cop. 2008

Article publié dans : Guide pratique « Manager et développer son service infodoc », Archimag, janvier 2007, p. 21-23.

Bibliographie

BERNARDIN O., Les Coûts de la documentation, Paris, Éd. d'Organisation, 1979.

CHEVALIER B., DORÉ D., SUTTER E., Guide pour la gestion d'un centre d'information documentaire, Paris, ADBS, 1991.

MOULIN E., Les Coûts en documentation : calculs, analyses et décisions, Paris, ADBS, 1995.

-, « Centres de documentation : quelle tarification mettre en place ?, Archimag, no 90, décembre 1995-janvier 1996.

ZANIER F., L'Élaboration d'un tableau de bord. Comment évaluer un centre de documentation, Paris, ADBS, 1995.

 

{

Abonnement

Recevez chaque mois par mail l’Edito et les mises à jour du site. Entrez votre adresse e-mail:

Nom:
Courriel: