Les Techniques documentaires

(2007) - Un bon audit et ça repart !

Pas de potion magique mais ...un bon audit et ça repart ! 

 couv_guide_si_06 Les professionnels de l'information et de la documentation le savent bien : les situations stables n'existent pas (ou peu) quelle que soit l'entreprise où l'on exerce, commerciale ou non, privée ou publique. Le maître-mot est plutôt « changement » : de direction, de politique, d'orientation, de stratégie avec des conséquences directes sur les budgets, les équipes et les services. Mais le changement peut également provenir de l'environnement externe : les besoins des utilisateurs diffèrent, évoluent, les prestations documentaires ne sont plus adaptées, la technologie nécessite des adaptations continues. Comment se prémunir face aux changements à venir, comment « voir venir » en quelque sorte, faire face ? Comment interpréter les signes annonciateurs, trouver des solutions pour un avenir parfois incertain, assurer sa position tout en gardant une ligne directrice ? Il n'y a pas de recette miracle unique, applicable à toutes les situations. Il existe cependant des outils, des méthodes qui permettent d'anticiper : l'audit est une méthode qui présente l'intérêt de prendre obligatoirement du recul par rapport aux activités et prestations documentaires. Plusieurs types d'audit sont possibles et sont exposés ici.

Qu'est-ce qu'un audit ?

L'audit fait partie de la démarche qualité dont la norme ISO 9000 détaille le processus. L'audit est en effet « un processus méthodique, indépendant et documenté permettant de recueillir des informations objectives pour déterminer dans quelle mesure les exigences satisfont aux référentiels du domaine concerné. Il s'attache notamment à détecter les anomalies et les risques dans les organismes et secteurs d'activité qu'il examine. Auditer une entreprise, un service, c'est écouter les différents acteurs pour comprendre et faire comprendre le système en place ou à mettre en place » .

Anomalies, risques, exigences : comment les détecter ? Ils (elles) n'apparaissent pas à l'évidence, même aux yeux de professionnels confirmés. Bien souvent, un audit décidé par une direction vise à mettre de côté (voire à licencier) le responsable ou son équipe, parfois même à fermer le service. Il est donc bon d'anticiper. L'audit peut également être décidé par le responsable du service de documentation dans plusieurs cas :

  • le service est en plein développement : jusqu'où peut-il se développer ? Quels sont ses capacités (en personnel, en moyens) à faire face ?
  • le service stagne : pourquoi ? Peut-on améliorer la situation ?
  • le service régresse : il n'est peut-être pas trop tard pour redresser la situation.

Dans tous ces cas de figure, il faut déterminer en premier la vraie raison de l'audit.

Ce que n'est pas (ou ce que ne doit pas être) un audit

Un audit ne doit pas être un « super-contrôle » : le service doit en effet posséder dès le départ ses propres moyens d'auto-contrôle, c'est-à-dire des outils de gestion adaptés. Un tableau de bord permet de voir les tendances (mensuelle, annuelles, pluri-annuelles) grâce à des statistiques régulières, évaluation de l'activité, montant des recettes (si le service vend ses produits), indices de satisfaction des utilisateurs, enquêtes...

Un audit ne doit pas être non plus une « surveillance déguisée », voulue par la direction. L'activité documentaire restant le plus souvent imprécise aux yeux des directions, il appartient au responsable et à l'équipe de la rendre transparente. La question : « Mais que faites-vous donc au service de documentation ? » ne doit plus être posée, car la réponse doit être évidente aux yeux de tous dans l'entreprise ou l'institution.

Un audit n'est pas non plus « une occasion de régler ses comptes », notamment en interne. Le plus souvent basé sur la confiance, un audit visant à mettre sur la touche certains collaborateurs, ne porterait pas ses fruits ou serait mal interprété en interne.

Quels sont les objectifs d'un audit ?

Qui dit audit, dit « exigences » : que celles-ci proviennent de la direction (améliorer la rentabilité, baisser certains coûts), du responsable (optimiser les processus de travail, étudier la pertinence de certains produits documentaires) ou de l'équipe (mieux organiser le travail, le temps de travail).

En fonction de ces exigences, exposées et détaillées dans un cahier des charges précis, le premier objectif est de déterminer l'efficacité du système de gestion mis en place : si un produit documentaire ne rencontre pas son public, il faut savoir pourquoi et si tout est mis en œuvre pour satisfaire celui-ci.

Le second objectif vise à savoir si le système de gestion est apte à atteindre les objectifs de qualité définis : est-il assez souple ? Permet-il de rectifier une situation ? Il est parfois nécessaire de revoir certains abonnements à des périodiques, papier ou électroniques, car ils ne correspondent plus à la demande. Une autonomie budgétaire est alors bien utile.

Le troisième objectif de l'audit est de donner l'opportunité d'améliorer le système de gestion et son efficacité, en clair proposer des solutions face à une situation problématique. Même s'il n'est pas toujours facile d'accepter les conseils externes par rapport à un service que l'on a soi-même créé, il faut faire preuve d'adaptabilité et de recul.

Les avantages d'un audit

Ils sont en fait nombreux : un audit permet généralement de progresser, il redonne un élan par rapport à une situation jugée insoluble. Même si toutes les solutions proposées ne sont pas immédiatement applicables, elles peuvent être étalées dans le temps et constituer ainsi un véritable plan de développement du service.

Un autre avantage est qu'il est souvent l'occasion de reconsidérer de manière objective les relations du service de documentation avec les autres services de l'entreprise, de mieux comprendre sa place et sa position et peut-être même d'en augmenter l'influence. Le fait même d'être audité ne peut être que bien perçu par une direction : celle-ci verra dans cette démarche un souci de progresser.

Enfin, un autre avantage, et non des moindres, consiste dans l'apprentissage de la démarche qualité, l'audit en constituant la première étape. Le service peut ainsi être conduit pas à pas vers une certification, ce qui ne sera que bénéfique.

La norme ISO 19011 traite dans son intégralité de la technique de l'audit.

Le cahier des charges

Une fois les objectifs de l'audit fixé, ceci en fonction de la situation à améliorer, il reste à dresser un cahier des charges précis de ladite situation. Le cahier des charges détaille les points suivants:

  • une présentation succinte de la situation
  • les problèmes soulevés (coût élevé, prestation inadéquate...)
  • les membres de l'équipe impliqués, leurs compétences
  • la situation souhaitée
  • les changements que cela implique
  • les délais
  • un temps d'évaluation nécessaire

Les objectifs fixés, le cahier des charges établis, deux étapes importantes ne sont pas à négliger :

La première étape est de convaincre l'équipe en place, après l'avoir informée, du bien-fondé de l'audit. Par des réunions individuelles ou en groupe, l'équipe doit comprendre le pourquoi de la démarche : tous doivent en effet être impliqués pour la réussite complète de l'audit. Combien d'audits ne portent-ils pas leur fruit car cette étape n'a pas été suffisamment suivie... L'un des arguments majeurs à mettre en avant est que l'audit doit apporter une amélioration dans le travail. Généralement, celui qui audite demande à rencontrer le personnel : le travail sera d'autant plus aisé à accomplir si l'équipe est convaincue du bien-fondé d'une intervention le plus souvent externe.

La seconde étape est d'exposer clairement la situation à la direction sans faux-fuyants. Un audit représentant un certain montant financier, il est difficile de se passer de l'accord de la direction, encore faut-il qu'elle soit convaincue de sa nécessité. Une analyse courte de la situation, les risques encourus, les coûts engendrés devront être présentés. Il faut également s'engager à présenter des résultats réguliers : en cours et après l'audit. Une fois l'accord de la direction obtenu, le choix du consultant s'avère une étape essentielle.

Le choix du consultant

L'emploi d'un consultant, souvent onéreux, se justifie par le manque de temps, de compétence dans un domaine ou de recul par rapport à une situation donnée, et par l'importance du service de documentation dans l'entreprise. L'audit révèle des formations insuffisantes, une organisation du travail déficiente ou déséquilibrée, des services et des produits à réajuster.

Même si l'entreprise insiste pour choisir elle-même le consultant, c'est au responsable du service de documentation de proposer et de faire la sélection finale : le travail documentaire est en soi particulier et doit relever de spécialistes du domaine, même s'il est vrai que les techniques du management s'appliquent ici.

L'éventail des consultants est aujourd'hui assez large pour trouver celui qui répondra aux problèmes posés . Cependant, il est nécessaire de sélectionner au moins trois consultants possibles, de leur envoyer le cahier des charges et de comparer les réponses apportées. Une enquête préalable permet de voir les avantages et inconvénients de tel ou tel consultant. Il n'est pas interdit de contacter les clients de ces consultants pour avis. Il est recommandé également d'interviewer les consultants pressentis afin d'avoir une idée plus exacte de ce qu'ils peuvent proposer. Là aussi, la question de confiance est primordiale. Une fois le choix établi, l'audit lui-même pourra alors commencer.

L'audit

L'évaluation de la situation est réalisée par des consultants externes ou des sociétés de conseil à partir du cahier des charges. Les consultants procèdent par enquêtes et questionnaires, dont les résultats sont intégrés dans des grilles d'évaluation desquelles sont tirées des conclusions et des propositions.

Certaines de ces propositions peuvent être de collaborer avec des consultants externes pour des tâches temporaires ou très spécifiques, ou de s'adresser à des sous-traitants pour soulager certains secteurs de la documentation ou éviter des investissements de rentabilité incertaine.

D'autres solutions possibles que l'audit ?

Le budget d'un audit étant relativement élevé, il est parfois difficile d'obtenir les sommes nécessaires. La solution de l'audit se voyant abandonnée, il reste cependant quelques solutions envisageables :

La première possibilité est d'avoir recours au benchmarking :

Appliqué à un service de documentation, le benchmarking est une technique d'évaluation de la performance. Il consiste à comparer de façon systématique les performances d'un service avec celles plus efficaces d'un autre service. Les critères d'évaluation sont donc de plus en plus élevés. Il est possible d'y arriver par la démarche qualité. De même que des données de toutes sortes, des informations, des renseignements sont indispensables au benchmarking.

Éric Sutter définit plusieurs étapes à suivre :

- connaître son propre fonctionnement et repérer ce qui, dans ce fonctionnement, doit être amélioré ;

- connaître les concurrents directs ou indirects, les leaders du secteur d'activité ;

- intégrer le meilleur ; parvenir à l'excellence.

Quatre axes de prospection sont généralement envisagés :

le benchmarking interne : dans les différents départements de la plupart des grandes entreprises, on retrouve des fonctions de gestion documentaire ; ce peut être un point de départ pour découvrir des différences de points de vue ;

le benchmarking auprès des concurrents directs : il s'agit de sélectionner les organismes de documentation comparables ;

le benchmarking orienté vers d'autres fonctions : pour sortir de l'univers habituel de la documentation, on peut citer d'autres fonctions qui traitent de l'information, tels la communication, le marketing, le journalisme ;

le benchmarking  utilisé dans l'industrie et appliqués en documentation.

La seconde possibilité est d'avoir recours à l'université et aux formations en information-documentation : même si certains étudiants n'ont généralement pas beaucoup d'expérience, d'autres, s'ils reprennent leurs études, peuvent être intéressés à analyser une situation
onnée et proposer des solutions. Ce cas de figure n'est pas exceptionnel, l'appel à des étudiants en fin de cycle peut s'avérer une aide précieuse dans certains cas.

Les apports d'un audit

Nos l'avons vu, il existe plusieurs solutions pour faire auditer un service de documentation : certaines (l'audit lui-même par un consultant) présentent de nombreux avantages, le premier étant d'avoir une vision externe sur une situation donnée. Les autres solutions envisagées ne sont pas à négliger pour autant, elles peuvent être positives.

L'audit permet ainsi de mettre en avant les points forts et les points faibles du service, de repérer et de renforcer sa valeur ajoutée, d'apporter des corrections, de mettre l'accent sur tel ou tel aspect, de renforcer telle prestation plutôt que telle autre, jugée obsolète.

Au-delà des aspects pratiques, l'audit peut être vu comme un outil pour orienter la politique documentaire, donner des arguments pour une autre stratégie. Il peut également être un outil de promotion interne du service.

Cop. JP Accart, 2008

Article publié dans : Guide pratique « Manager et développer son service infodoc », Archimag, janvier 2007, p. 17-20.

Guide à commander en ligne   

 

{

Abonnement

Recevez chaque mois par mail l’Edito et les mises à jour du site. Entrez votre adresse e-mail:

Nom:
Courriel: